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Justice

Au procès de l’attentat de Magnanville, le parquet demande la perpétuité contre l’unique accusé

Au terme de trois heures de réquisitoire, les deux avocates générales du Parquet national antiterroriste ont requis ce mardi 10 octobre la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité de Mohamed Lamine Aberouz, seul accusé du procès de l’attentat de Magnanville.
A Paris en juillet, devant le palais de justice de l'Ile-de-la-Cité, où se tient le procès de l'attentat de Magnanville. (Laure Boyer/Hans Lucas)
publié le 10 octobre 2023 à 12h36
(mis à jour le 10 octobre 2023 à 15h00)

La parole est à l’accusation en ce mardi 10 octobre au procès de l’attentat de Magnanville. Pendant trois heures, les deux avocates générales du Parquet national antiterroriste (Pnat) se sont attachées à démontrer la culpabilité de Mohamed Lamine Aberouz et ont requis sa condamnation pour «complicité d’assassinat terroriste sur personne dépositaire de l’autorité publique». Elles ont demandé à la cour de le condamner à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de 22 ans de sûreté, soit la peine maximale encourue. «A notre sens, aucune autre peine que la peine maximale n’est envisageable. Elle correspond à la gravité extrême des faits et à la dangerosité incontestable de l’accusé.»

Complicité «irrévocable»

Mohamed Lamine Aberouz est jugé depuis le 25 septembre par la cour d’assises spéciale de Paris pour complicité dans l’assassinat, au nom de l’organisation Etat islamique, d’un couple de policiers, Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, dans leur maison des Yvelines, le 13 juin 2016. L’assaillant ayant été tué par le Raid, l’accusé est seul dans le box. Ce crime avait profondément traumatisé la police. Pour écouter les réquisitions, le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, avait pris place au premier rang des bancs du public.

«On nous a dit qu’on aurait inventé, créé de toutes pièces un coupable de substitution dans le but qu’un procès se tienne. Mais croire à la théorie du bouc émissaire, ce serait oublier que la justice n’est pas vengeance, qu’elle n’est pas non plus thérapie, a déclaré en préambule une des magistrates. La France est un Etat de droit et on ne juge pas les gens pour leurs idées, si désagréables soient-elles. C’est l’analyse des charges qui a forgé notre intime conviction.» La présence d’une «trace ADN pure» de l’accusé, 30 ans, au domicile des deux fonctionnaires «signe de façon irrévocable la complicité de Mohamed Lamine Aberouz dans les crimes commis par Larossi Abballa», a poursuivi plus tard sa consœur.

Durant tout le réquisitoire, d’environ trois heures, Mohamed Lamine Aberouz est resté prostré dans le box, laissant apparaître seulement le haut de son crâne. Son frère aîné, Charaf-Din Aberouz, condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste en 2011, était présent dans la salle d’audience pour soutenir son frère.

«Il y a l’adhésion avec l’idéologie de l’Etat islamique, la proximité et l’influence sur Larossi Abballa, la méthodologie et la connaissance de Mohamed Lamine Aberouz qu’on retrouve dans la revendication, son ADN sur l’ordinateur des victimes, l’absence d’alibi, […] la destruction de preuves immédiatement après l’attentat, les propos évolutifs et les incohérences. Evidemment qu’il est coupable», a résumé l’avocate générale.

«Ce n’est pas le rigorisme religieux que l’on juge»

«Ce n’est évidemment pas le rigorisme religieux de Mohamed Lamine Aberouz que l’on juge», avait auparavant précisé sa collègue. Pour autant, a rappelé sa consœur, Mohamed Lamine Aberouz a fait part à l’audience de «sa haine pour la démocratie et la République et son rejet de la laïcité».

«C’est évidemment parce qu’ils étaient policiers que Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider ont été pris pour cibles», a souligné la première avocate générale. «La question du pourquoi n’a jamais fait de mystère. A travers eux, c’est notre République, ses valeurs, ses fondements qui étaient visés.» La magistrate a aussi fait part de sa «conviction» que «Mohamed Lamine Aberouz était présent au moment des faits au domicile du couple Schneider-Salvaing».

L’accusation repose essentiellement sur une trace ADN, retrouvée sur le repose-poignet de l’ordinateur portable des victimes. Pour le ministère public, cet élément prouve que l’accusé était présent à leur domicile le soir de l’assassinat. La défense de Mohamed Lamine Aberouz soutient que cette trace provient d’un «transfert» d’ADN entre la voiture de Larossi Abballa, où ont aussi été isolées des traces génétiques lui appartenant, et l’ordinateur des victimes. Interrogés à la barre, deux experts n’ont pas exclu cette hypothèse.

Mohamed Lamine Aberouz affirme quant à lui s’être rendu dans une mosquée des Mureaux le soir du double assassinat mais aucun témoin, sauf certains de ses frères, n’a pu le confirmer durant l’enquête ni à l’audience. Les avocates générales ont également insisté sur la «destruction d’éléments de preuves aussitôt après l’attentat». Dans la nuit du 13 au 14 juin, Mohamed Lamine Aberouz a réinitialisé son compte de messagerie Telegram, puis déposé des ordinateurs, tablettes et clés USB chez un ami. «J’ai eu peur», s’est-il justifié en évoquant sa proximité avec Larossi Abballa.

Les avocats de la défense Vincent Brengarth et Nino Arnaud plaideront l’acquittement de leur client ce mardi après-midi. Le verdict est attendu mercredi.

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Mis à jour à 14 heures 45 : avec plus de détails sur le réquisitoire.