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Libération
A la barre

Au procès du meurtre de Lola, la réclusion criminelle à perpétuité incompressible requise par l’avocat général

Le magistrat a longuement décrit ce vendredi 24 octobre les violences subies par Lola Daviet, cherchant notamment à démontrer les actes de torture commis par Dahbia B. sur la victime. Le verdict sera rendu cet après-midi.

Delphine Daviet, mère de Lola, accompagnée de son fils et de proches, à la Cour d'assises de Paris pour le procès de Dahbia B., le 17 octobre 2025. (Julien de Rosa/AFP)
ParLudovic Séré
Journaliste - Actu
Publié le 24/10/2025 à 10h50, mis à jour le 24/10/2025 à 11h47

«Le piège s’est refermé sur elle.» Lors d’un long réquisitoire ce vendredi 24 octobre, l’avocat général à requis la réclusion criminelle à perpétuité incompressible contre Dahbia B., 27 ans, jugée depuis une semaine devant la cour d’assises de Paris pour viol, acte de torture et pour le meurtre de Lola Daviet, 12 ans au moment des faits. Le magistrat a réclamé cette peine «certainement pas par haine, par méchanceté ou par une pression extérieure qui n’a pas lieu d’être, mais en responsabilité pour protéger la société d’une femme dont je suis intimement convaincu de son extrême dangerosité». Comme à son habitude, l’accusée n’a pas bougé d’un iota, fixant le magistrat de son regard noir. Juste avant que la cour ne parte délibérer, elle a déclaré : «Je demande le pardon et c’est horrible ce que j’ai fait.»

«Brutalité extrême»

Durant plus d’une heure, l’avocat général a décrit précisément ces 97 minutes du 14 octobre 2022 au 119, rue Manin, dans le XIXe arrondissement de Paris, pendant laquelle Dahbia B. «va faire monter Lola, la violer, la tuer, chercher à la démembrer, la cacher, nettoyer l’appartement». Il a insisté sur la singularité de ce dossier. «Par sa brutalité extrême, par le profil de la criminelle. Des policiers émus au moment d’évoquer les faits, jusqu’aux experts, personne n’a été laissé indifférent.»

Sans masquer la cruauté des faits, le magistrat s’est attardé sur «les violences extrêmes que l’on peut dater, malheureusement, du vivant de Lola», cherchant à démontrer les actes de torture qu’a commis l’accusée. Parmi les six questions auxquelles la cour devra répondre cet après-midi, deux portent sur la torture et la barbarie. Il revient sur le bout de scotch que Dahbia B. a collé sur le visage de la petite : «Lola va mourir de cette détresse respiratoire. On a ôté toute humanité au corps, devenu tour à tour objet sexuel, support de violences extrêmes puis plus qu’un morceau de chair.» «Une heure et demie de supplice pendant laquelle Lola se fera ôter son enfance, sa féminité et son humanité.»

«Absence de haine»

Le réquisitoire a été l’occasion de saluer «l’absence d’agressivité, l’absence de haine» chez la famille de Lola, qui est «un modèle d’humanité». Aussi, selon l’avocat général, si «ce jour-là, Johan [le père, mort depuis, ndlr] et Delphine Daviet n’avaient pas immédiatement lancé l’alerte, l’action de la police et de la justice n’aurait pas été si rapide».

Delphine Daviet, la mère, Thibault Daviet, le frère, et tous les proches de la famille sont arrivés vers 9 heures au pied des grands escaliers du tribunal, vêtus du même tee-shirt blanc qu’à l’ouverture du procès avec un dessin de Lola et la phrase : «Tu étais le soleil de nos vies, tu seras l’étoile de nos nuits.» Mercredi, la mère avait demandé à la cour de condamner Dahbia B., «cette chose», ce «monstre», le «diable», à la réclusion criminelle à perpétuité. Les experts psychiatres ont alerté jeudi sur la dangerosité de l’accusée et sur le risque de récidive. Ils ont acté que le discernement de Dahbia B. n’était ni aboli, ni altéré au moment des faits.

«Environnement général nauséabond»

Après les réquisitions, Me Alexandre Valois, avocat de la défense, a évidemment concédé que «Dahbia a tué la pauvre petite Lola, après l’avoir violée» mais a ajouté : «Sans l’avoir torturée.» Le conseil a anglé sa plaidoirie sur l’inexistence du «mal mystique, biblique, né de lui-même, qui puise sa force dans les abysses». A donc appuyé sur le parcours de vie de Dahbia B., qui «n’est pas qu’une histoire criminelle mais également une histoire de perdition». C’est cet «environnement général nauséabond», la «résurgence traumatique», qui expliquerait alors le comportement de l’accusée, qu’il demande à la cour de décortiquer. Une cour qui, selon Me Valois, a désormais pour objectif de se sortir de ses préjugés, probablement créés par «des médias sensationnalistes qui ont pourri [leurs] cerveaux».

Vendredi matin, vers 8 heures, plusieurs groupuscules d’extrême droite avaient organisé une manifestation pour réclamer «la peine de mort» à l’endroit de Dahbia B. Ceci, malgré les appels répétés depuis trois ans de la famille de Lola à ne pas récupérer ce drame. Un des cousins de la victime a dénoncé mercredi les «partis politiques qui essaient de prendre notre Lola pour déballer leur haine. Elle s’en tapait, elle, de tout ça. C’était le partage, la tolérance. Ces gens osent parler de ce que l’on peut penser alors qu’ils n’en savent rien

Au premier jour du procès, Dahbia B. a présenté ses excuses à la famille, sans convaincre. Il y a trois ans jour pour jour, le 24 octobre 2022, Lola Daviet était enterrée dans le Pas-de-Calais, d’où sont originaires ses parents.

Mis à jour à 11h41, ajout de la plaidoirie de la défense ; à 12h58, dernière déclaration de Dahbia B.