Autrefois «pétillante», elle a quitté la clinique «dévastée» après l’empoisonnement présumé de sept de ses patients : le «lourd tribut» payé par une ancienne collègue de l’anesthésiste Frédéric Péchier, qu’il aurait en outre voulu évincer, a été au centre des débats lundi 20 octobre devant la cour d’assises du Doubs.
Du fait de son état de santé, Colette Arbez n’a pas pu venir elle-même. Mais ses anciens collègues l’ont longuement décrite à la barre. Martine Moel, infirmière anesthésiste, a décrit un «rayon de soleil» qui s’est éteint «petit à petit». Selon les soignants, la praticienne était «rigoureuse», «très attachée aux patients», mais ne se remettra jamais des sept événements indésirables graves survenant lors de ses opérations, se reprochant «des erreurs». Elle a pris sa retraite pétrie de «honte» et de «culpabilité», selon les mots de l’avocate générale Christine de Curraize.
Querelles entre anesthésistes
Depuis lundi, la cour se penche sur les arrêts cardiaques subis par trois de ses patients, en 2011 et 2012 - tous ont survécu. Pour le directeur d’enquête Olivier Verguet, l’accusé Frédéric Péchier les aurait empoisonnés pour pousser Colette Arbez vers la sortie. Selon l’enquêteur, Colette Arbez estimait que Frédéric Péchier était «âpre au gain», et les deux anesthésistes «ne s’entendaient pas très bien».
«Je ferai ce qu’il faut pour la faire partir», avait glissé Péchier à un collègue. Il aurait même conseillé à sa consœur, qu’il avait croisée à la clinique alors qu’elle était en fin d’arrêt maladie, de ne pas revenir - conseil qu’elle n’avait pas suivi. Le lendemain, jour de son retour au bloc opératoire, un de ses patients faisait un arrêt cardiaque.
Lire aussi
Après les drames, Colette Arbez a été retirée des salles d’opération et assignée aux consultations. L’enquêteur Olivier Verguet remarque que Frédéric Péchier et deux autres collègues s’étaient ensuite réparti ses «blocs [opératoires] plus rémunérateurs».
A l’inverse du portrait très flatteur qu’elle a dépeint de Colette Arbez, l’infirmière Martine Moel a décrit un Frédéric Péchier «particulièrement odieux». Lors de l’arrêt cardiaque d’un patient de sa consœur, «on avait l’impression qu’il était au spectacle. Il nous regardait nous agiter dans tous les sens, comme si ça lui faisait plaisir». «C’est un ressenti que vous réinventez aujourd’hui», balaie l’avocat de la défense, Me Randall Schwerdorffer : «avec tout ce qui se passe, les gens ont tendance à en rajouter».
Une autre anesthésiste de la clinique avait en revanche estimé que Frédéric Péchier «ne disait jamais de mal de Colette» et qu’il «avait proposé de l’aider».
L’accusé de 53 ans doit répondre de 30 empoisonnements de patients, dont 12 sont morts, entre 2008 et 2017. Il a toujours clamé son innocence et comparait libre. Le verdict est attendu le 10 décembre.