Menu
Libération
Procès

Assises de Pau : du coup de klaxon au coup de couteau, le geste létal d’un homme banal

Article réservé aux abonnés
Frédéric de Chérancé, inventeur et ébéniste de 62 ans, a été condamné jeudi à douze ans de réclusion criminelle pour avoir tué un jeune automobiliste après une querelle. Pendant quatre jours, la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques a tenté de comprendre ce basculement du futile au sordide.
Les scellés de l'affaire dans la salle d'audience du tribunal de Pau, le 8 mars. (Laurent Ferrière)
par Julie Brafman et photos de Laurent Ferrière
publié le 12 mars 2021 à 10h17

Dans la moiteur d’une nuit d’été, deux voitures se suivent sur l’avenue Jean-Mermoz à Pau. La Peugeot 307 blanche roule doucement, cherchant son chemin. Quatre adultes et deux enfants sont entassés jusque dans le coffre. L’habitacle est un mélange de cris réclamant des glaces et de tensions rentrées. Baptiste Sallefranque, 29 ans, est torse nu au volant. Il cherche le Mac Do tout en ruminant sa tristesse : le lendemain son petit garçon de 5 ans, assis à l’arrière, va être placé par les services sociaux. Dans la Citroën C5 noire, Frédéric de Chérancé, 57 ans, vient de déposer son fils en centre-ville. Il rêve à l’ouverture de sa future galerie d’art culinaire aux Etats-Unis et peste contre cette voiture qui n’avance pas. A quelques secondes d’écart, ils ne se seraient jamais croisés.

Mais ce soir-là, leurs deux mondes vont se figer au feu rouge. Banale querelle d’automobilistes. L’un trop pressé. L’autre trop énervé. C’était le 25 août 2016, à 22 heures Aujourd’hui, sur l’écran de la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques, il ne reste qu’une succession de plots jaunes marquant le bitume rougi, jusqu’à une mare noirâtre. Le cliché numéro 13 est intitulé «vue générale du sang sur la chaussée». Les jurés le contemplent en silence tandis que, du banc des parties civiles, s’échappent de discrets reniflements.

«Homme sans histoire»

Depuis lundi, dans la salle en forme de nef abritant une Marianne d’albâtre, tout n’est qu’étonnamment. Celui des voisins qui déroulent le triptyque «poli, serviable