Des «boîtes noires». L’expression est tombée de la bouche d’un conseiller de Matignon un jour de printemps 2015, lors d’un échange avec la presse, pour expliquer de façon imagée l’une des mesures de la future loi sur le renseignement : la possibilité de déployer, sur les réseaux des opérateurs télécoms, fournisseurs d’accès à Internet et hébergeurs, des «traitements automatisés» chargés de détecter, dans une masse de données de connexion ou «métadonnées» (qui communique avec qui, quand, où…), celles «susceptibles de révéler une menace terroriste». Manière pour l’intéressé de signifier le haut niveau de protection du dispositif, dans lequel nul n’irait piocher à sa guise. Mais si la formule a fait florès, c’est qu’elle collait surtout très bien à l’opacité de cette traque aux «signaux faibles», vivement dénoncée par les organisations de défense des libertés et nombre d’acteurs du numérique, et qui marquait un changement de paradigme de la surveillance : il ne s’agissait plus seulement d’écouter des cibles pour connaître leur activité, mais aussi de détecter des comportements «suspects» pour identifier des cibles.
Car des «boîtes noires», pendant cinq ans, le public n’a rien su, ou presque. Tout juste en a-t-on connu les actes de naissance via le gendarme des écoutes, la Commission nationale de