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Justice

Braquage au Louvre : des aveux incomplets et des bijoux toujours introuvables

Lors d’une conférence de presse ce mercredi 29 octobre, la procureure de Paris a fait le point sur l’enquête. Lors de leur garde à vue, les deux suspects ont «reconnu partiellement les faits», sans dévoiler la localisation du butin. Ils ont été mis en examen et placés en détention provisoire dans la soirée.

Des agents de la police française près de la pyramide de verre du musée du Louvre, à Paris, en France, le 27 octobre 2025. (Abdul Saboor/REUTERS)
Publié le 29/10/2025 à 12h38, mis à jour le 29/10/2025 à 22h15

Au sortir des quatre-vingt-seize heures de garde à vue de deux des suspects dans l’affaire du braquage du Louvre, la procureure de Paris, Laure Beccuau, a fait le choix du collectif. Si elle seule a pris la parole au tribunal de Paris ce mercredi 29 octobre à 17 heures pour faire un point sur cette enquête qui «a connu des avancées conséquentes», elle était entourée de tous les cadors de la lutte contre la criminalité de la capitale : le chef de la brigade de répression du banditisme (BRB), le patron de l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels et le patron de la lutte contre la criminalité organisée du parquet de Paris. Manière de souligner qu’à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles et que tous les services se sont donné la main pour agir dans la plus grande urgence. «24h /24, sans discontinuer», a insisté la procureure, une «centaine d’enquêteurs» se sont ainsi épaulés, pour réaliser plus de «150 prélèvements» et constituer «189 scellés de toutes natures, sur les lieux du vol ou lors des perquisitions». En clair, si deux des suspects sur les quatre identifiés de cette «opération commando» ont «reconnu partiellement les faits» et sont en ce moment déférés devant les magistrats, il reste de nombreuses pistes à exploiter.

«Il est encore temps de rendre» le butin

Sur le profil des deux suspects : ils sont âgés de 34 et 39 ans, tous deux résident à Aubervilliers, l’un de nationalité algérienne (il a été interpellé samedi à 20 heures à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle alors qu’il s’apprêtait à décoller pour Alger, «sans billet retour» a précisé la procureure), l’autre français. Le premier est connu principalement de la police pour des faits de délinquance routière et un vol sans circonstances aggravantes, son ADN a été retrouvé sur l’un des scooters. L’autre, chauffeur de taxi clandestin, est connu pour des faits de vol aggravé (attaque à la voiture bélier d’un distributeur de billets) et est actuellement sous contrôle judiciaire, il sera jugé dans une autre affaire courant novembre au tribunal de Bobigny. La qualification d’«association de malfaiteurs» a été retenue à leur encontre, ainsi que celle de «vol en bande organisée». Ils risquent quinze ans de prison et une forte amende. Les deux hommes ont été mis en examen et placés en détention provisoire dans la soirée, a annoncé le parquet de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs). Si «les bijoux ne sont pas en notre possession», comme l’a confirmé la procureure, «il est encore temps de les rendre» a appelé Laure Beccuau, soulignant qu’ils n’étaient pas, en l’état, écoulables.

La procureure a ensuite rembobiné le film pour retracer le parcours des suspects avant l’attaque du 19 octobre dans la galerie d’Apollon dont ils sont ressortis par où ils étaient entrés, c’est-à-dire par la fenêtre, quatre minutes après avoir découpé à la disqueuse (ce qui a entraîné les dommages sur la couronne Eugénie, et non pas son atterrissage dans le caniveau) les deux vitrines du Louvre. Neuf jours plus tôt, les suspects avaient commis un premier larcin : le vol du fameux camion nacelle dans la ville de Louvres (ça ne s’invente pas) qui leur a permis d’accéder au premier étage du musée. La victime du vol, qui avait été officiellement sollicitée pour un déménagement avant que les deux hommes s’emparent des clés, a été entendue. «Contrairement à ce qui a parfois été dit, rien à ce stade ne permet de dire qu’il y a eu complicité au sein du musée du Louvre», a précisé Laure Beccuau.

Le tour de passe-passe de Rachida Dati

Entendue mardi 28 octobre et mercredi 29 octobre au Sénat puis à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2026 et la question des moyens accordés à la sécurisation des musées, la ministre de la Culture, Rachida Dati, très bousculée par l’encombrant dossier du Louvre, a tenté un tour de passe-passe en essayant de faire tenir dans la même phrase le fait que le système de protection du Louvre n’avait pas connu de défaillances, mais qu’il y avait bien eu des défaillances dont il fallait assumer la responsabilité. Elle a promis un premier rendu ce mercredi 29 octobre au soir de l’enquête confiée à l’Inspection générale des affaires culturelles (l’Igac). Mais «il y a 20 km de couloirs au Louvre, sans compter tous les locaux techniques, il n’est pas possible de faire un rapport exhaustif en une semaine», nous rappelait un représentant de la CGT Louvre.

Parallèlement au dossier brûlant du Louvre, Rachida Dati a ouvert un autre front sur le terrain du patrimoine. Elle a ainsi annoncé un plan d’urgence «à l’instar du plan de sécurité des cathédrales créée par le président de la République» en mai 2023 et confié une mission, par la voix du Premier ministre, au député Horizons Jérémie Patrier-Leitus sur «la sécurité et à la sûreté de tous les lieux patrimoniaux». «Le Louvre est un électrochoc, mais on compte aussi une vingtaine de vols par an dans les musées ou les lieux de culte. Il n’y a pas forcément une recrudescence, mais peut être une évolution, avec de nouvelles formes de criminalité ; des nouvelles cibles et des vols qui visent notamment la valeur des matériaux eux-mêmes dont les œuvres sont faites», estime le député joint par Libération.

Mis à jour à 22 h 13 avec la mise en examen et le placement en détention provisoire des deux suspects