L’enquête de la Cour de justice de la République (CJR) a subi un coup d’arrêt en janvier, quand la Cour de cassation, plus haute instance judiciaire, a annulé la mise en examen d’Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, pour «mise en danger de la vie d’autrui». Elle demeure témoin assisté pour «abstention volontaire de combattre un sinistre», tout comme Edouard Philippe, ancien Premier ministre, délit mineur qui ne tient plus qu’à un fil. Elle avait alors estimé, sur RMC, que cette annulation lui permet de «laver [son] honneur et reprendre le cours de ma vie», désormais au sein de la Cour des comptes.
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Aucun «texte ne prévoit une obligation de prudence ou de sécurité objective», ont alors pointé les hauts magistrats, mais un «simple objectif de mise en œuvre du droit à la santé». Derrière l’argutie judiciaire très pointue, l’impasse procédurale. Sur le fond de l’affaire, il est surtout question de la pénurie initiale de masques de protection, comme le souligne le réquisitoire introductif du parquet saisissant formellement la CJR, après d’innombrables plaintes de patients, médecins ou syndicats : «Le défaut de commandes immédiates de matériel en nombre suffisant dès les premiers éléments annonciateurs de l’épidémie est susceptible de constituer l’élément matériel du délit.»
Camouflet aux enquêteurs
Mais le réquisitoire pointait aussi «la tenue des élections municipales» au printemps 2020, en plein confinement – sans grande conséquence pénale à ce jour. Sur ce point, la CJR était saisie d’une plainte d’élus et militants LR marseillais, peut-être mauvais perdants après leur défaite électorale. Selon eux, «des millions de Français ont été appelés aux urnes et à entrer en contact les uns avec les autres».
Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur, a lui été entendu comme simple témoin par les enquêteurs de la CJR, l’été 2021. Las, la Cour de cassation a infligé cet autre camouflet aux enquêteurs de la CJR, en annulant son audition, tout comme celle de Jean Castex (successeur d’Edouard Philippe à Matignon), mais aussi celles des ministres de la Défense et de l’Industrie de l’époque. Motif : ces auditions avaient été menées par seulement un ou deux des trois magistrats composant sa commission d’instruction, structure collégiale.
Un rappel à l’ordre singulier au sein plus haut sommet de la hiérarchie judiciaire, car les juges d’instruction de la CJR sont eux-mêmes membre de la Cour de cassation. Elle aura toutefois sauvé l’honneur de la CJR en jugeant qu’elle n’avait pas enquêté «hors saisine», auditionnant tous azimuts, car la crise du Covid fut un «événement protéiforme, phénomène par nature indivisible», nécessitant de très larges investigations.
«On m’a fait passer pour une idiote»
Quant à Agnès Buzyn, qui avait quitté le navire gouvernemental en pleine pandémie pour une très aléatoire candidature LREM à la mairie de Paris (elle finira en troisième position au premier tour, avec 18 % des voix), la ministre de la Santé avait très vite alerté tout son monde, prêchant dans le désert. Emmanuel Macron mettra un mois et demi pour instaurer le confinement après l’avis d’urgence de santé publique internationale de l’Organisation mondiale de la santé. «On m’a fait passer pour une idiote qui n’a rien vu alors que c’est l’inverse», s’était-elle précédemment défendue dans le Monde. L’annulation de sa mise en examen semble signifier qu’avoir raison trop tôt n’est pas forcément un délit.