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A la barre

Caillassage du bus de l’OL : «Il a pris pour tous ceux qui n’ont pas pu être interpellés»

Deux supporteurs de l’OM interpellés dimanche 29 octobre pour avoir jeté des projectiles sur le bus des supporteurs lyonnais comparaissaient ce mardi à Marseille. Si l’un, quinquagénaire, a essuyé une interdiction de stade jusqu’à son procès, l’autre, la vingtaine, est maintenu en détention jusqu’au 23 novembre.
Le bus de l'équipe de Lyon dans le parking du stade Vélodrome, après avoir été caillassé, le 29 octobre. Deux supporteurs marseillais étaient jugés, eux, pour avoir jeté des projectiles sur le bus des supporteurs lyonnais. (Christophe Simon /AFP)
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille
publié le 31 octobre 2023 à 19h40

Sans surprise, les deux avocats ont demandé le renvoi de l’audience. Question de climat médiatique encore trop tendu, deux jours seulement après l’annulation du match OM-OL, suite au caillassage des bus du staff et des supporteurs lyonnais. Leurs clients, Thomas S., 22 ans, et Patrice G., 50 ans, interpellés tout près du stade après avoir jeté des projectiles, étaient déférés ce mardi après-midi en comparution immédiate à Marseille, poursuivis pour «violence avec usage d’une arme, dégradation du bien d’autrui et jet de projectiles» lors d’une manifestation sportive. Ils risquent jusqu’à cinq ans de prison.

Heureusement pour eux, aucun blessé ne s’est pour l’heure manifesté : le car qu’ils reconnaissent avoir ciblé était celui des supporteurs de l’OL et c’est dans l’autre véhicule, celui du staff, que les tirs ont provoqué la blessure au visage de l’entraîneur Fabio Grosso et celle à l’œil de son adjoint. Pour l’instant, personne n’a été interpellé dans le cadre de ce caillassage, avait précisé lundi soir le parquet qui a confié l’enquête à la Sûreté départementale. Dans ce contexte, et alors que le fiasco de dimanche soir a été plus qu’abondamment commenté tant dans la sphère politique que sportive, «il ne faudrait pas que les deux prévenus du jour servent de bouc émissaire», confiait avant l’audience l’avocate de Thomas S., Sandrine Prosperi, pour justifier sa demande de renvoi.

«Il n’est pas là par hasard»

Il ne sera donc pas question du fond de l’affaire dans cette audience. L’enjeu du jour, pour Thomas S. qui s’avance dans le box, sweat gris à capuche et barbe de trois jours, est son maintien ou non en détention, au vu de son profil. Le jeune homme, abonné au stade depuis une dizaine d’années versant virage nord, a un casier presque vierge – une amende et un stage pour conduite sous l’emprise du cannabis –, travaille depuis deux ans et demi comme magasinier, vit chez ses parents, une pharmacienne et un comptable. La difficulté, pour la procureure de la République, c’est qu’il portait une cagoule au moment où les policiers l’interpellent, alors qu’il vient de jeter une pierre en direction du car lyonnais, ce qu’il ne conteste pas. «Il n’est pas là par hasard, il est arrivé avec une cinquantaine de supporteurs qui se sont donné rendez-vous sur cette place à l’arrivée du car, il tient à la main sa ceinture, dont il dit que c’est pour se défendre», déroule la représentante du parquet pour justifier sa demande de maintien en détention, «en raison de la gravité des violence et leur préparation», et pour «prévenir le renouvellement de l’infraction» en prévision des matchs futurs.

Un geste certes grave, «mais il faut dédramatiser», plaide en retour l’avocate de la défense, qui prône un contrôle judiciaire d’après le profil sans histoire du jeune homme. «Il ne faudrait pas, parce que le milieu du football est gangréné par la violence, faire un amalgame avec ceux qui ont jeté des pavés sur le car de Monsieur Grosso, souligne-t-elle. Pour autant, il ne veut pas minimiser les faits, mais au moins s’expliquer sur le contexte de ce tir.» Selon son client, c’est en remontant vers l’entrée du stade qu’il a vu le bus des supporteurs lyonnais à l’arrêt, déjà lourdement endommagé par des caillassages. Les visiteurs auraient alors ouvert les portes, seraient descendus pour s’en prendre verbalement aux Marseillais à coups d’injures racistes. Ils auraient aussi renvoyé des pierres dans leur direction, dont l’une aurait atterri sur le pied de Thomas S. C’est cette pierre qu’il aurait ramassée et renvoyée, «sans toucher ni le car ni personne», précise l’avocate.

«Il prend la mauvaise décision»

Patrice G., qui s’avance à son tour dans le box, a lui renvoyé un fumigène allumé en direction de ceux qui l’avaient jeté vers lui, raconte son avocat, François Defendini. «C’est là où il reconnaît sa faute : au lieu de mettre un coup de pied, il prend la mauvaise décision», développe-t-il brièvement. Car à l’inverse du premier mis en cause, la procureure de la République ne demande pour Patrice G. qu’un contrôle judiciaire, au vu du CV irréprochable de ce cadre père de trois enfants, pas abonné au stade mais qui avait une place pour ce soir-là. Surtout, lui n’avait pas de cagoule. «On est certes sur des violences volontaires, mais pas préméditées», pointe la procureure.

Le tribunal la suit : le quinquagénaire est interdit de Vélodrome jusqu’à son procès, fixé au 23 janvier, avec obligation de pointer tous les jours de match à la mi-temps dans la gendarmerie proche de chez lui. La décision est plus dure à encaisser pour Thomas S. : maintien en détention jusqu’à son procès, le 23 novembre. La cagoule qui lui vaut sûrement son maintien en détention, «il s’en est pourtant expliqué», soutient son avocate à la sortie de l’audience : «Ça fait dix ans qu’il est abonné, qu’il fait tous les déplacements. Il sait que ce genre de match peut être mouvementé, qu’il peut y avoir des gaz lacrymogènes, c’était pour s’en protéger…» Il faudra attendre l’audience sur le fond pour préciser le contexte, peut-être avec des images de vidéosurveillance démontrant la provocation lyonnaise, espère-t-elle. D’ici là, le jeune homme restera en prison. «Je craignais qu’ils en fassent un exemple, soupire l’avocate. Il a pris pour tous ceux qui n’ont pas pu être interpellés.»