Le dossier «Canne à sucre» ira aux assises, selon les réquisitions du parquet de Paris début. Seront jugées 17 personnes, dont 2 chefs criminels présumés algérien et colombien. Ils sont suspectés d’avoir importé 22 tonnes de canne à sucre imprégnée de cocaïne de Colombie en France début 2022, a appris l’AFP de sources proches du dossier ce jeudi 10 avril.
Cette affaire lie un groupe spécialisé dans le blanchiment que dirigerait Mourad D., Algérien de 45 ans en fuite et possiblement localisé à Dubaï, et un autre groupe spécialiste de l’importation transnationale de stupéfiants qu’aurait mené Adalberto P., Colombien de 64 ans en détention provisoire à Fleury-Mérogis. Les deux hommes pourraient prochainement faire l’objet d’une audience devant la cour d’assises spécialement composée pour «direction d’un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants», un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité. La décision finale sur le dossier revient à un juge d’instruction.
Décryptage
Selon des éléments des réquisitions du parquet de Paris et de la Juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (Junalco), l’enquête a débuté par un signalement début 2021 de l’Inspection du travail contre une société qui aurait fraudé le dispositif d’aide au chômage partiel pendant l’épidémie de Covid-19.
De découvertes en découvertes, les enquêteurs du Service d’enquêtes judiciaires des finances (douanes) puis de l’Ofast (Office antistupéfiants) pensent avoir mis au jour un premier réseau dédié à la logistique, basé sur une myriade de sociétés et dont le cerveau serait Mourad D., déjà condamné en 2018 avec 35 autres prévenus dans le volet le plus spectaculaire de la fraude dite à la taxe carbone, 385 millions d’euros détournés au fisc français. L’autre filière, sud-américaine, aurait permis ou tenté de permettre l’importation de stupéfiants, et serait liée au «Clan del Golfo», le plus grand cartel de drogue de Colombie.
Au moins 53,5 tonnes de cocaïne saisies en France en 2024
Au printemps 2022, la police décide de passer à l’action. La vague d’interpellations débute au moment où une livraison arrivée en France devait filer en Espagne pour être traitée par l’équipe de Colombiens surnommés les «chimistes» ou les cuisiniers. Ces derniers auraient eu pour mission d’«extraire» de la cargaison de 22 tonnes de canne à sucre une quantité de cocaïne se chiffrant possiblement en centaines de kilos.
La justice lie aussi à ces deux filières la saisie à Carthagène (en Colombie) en 2021 d’une cargaison de 600 kg de cocaïne dissimulés dans 75 tonnes de sable destinée au Havre ; ou encore deux saisies de 200 kg, à chaque fois, de méthamphétamine aux Pays-Bas et en Allemagne, soit une valeur estimée à 88 millions d’euros. Selon le parquet, «les mis en examen ont tous nié leur participation dans ces trafics et organisations».
Cette nouvelle affaire illustre l’essor du trafic de cocaïne sur le territoire national. L’année 2024 est celle de tous les records pour le trafic de cocaïne en France. Un total de 53,5 tonnes de cocaïne a été saisi l’année dernière, soit une hausse de 130 % par rapport à 2023. La lutte contre le narcotrafic est la priorité du tandem Bruno Retailleau et Gérald Darmanin. Afin d’endiguer la déferlante de cocaïne sur l’hexagone, les députés ont adopté mardi 1er avril la loi contre le narcotrafic.
Parmi les mesures, un nouveau régime de détention, la création d’un parquet dédié ou encore la possibilité de prolonger la garde à vue. Ce jeudi, un accord a été noué entre députés et sénateurs sur le texte, ouvrant la voie à l’adoption définitive fin avril de cette proposition de loi érigée en priorité du gouvernement, ont annoncé les deux chambres du Parlement.