Tout est parti d’une camionnette rose. Sur une de ses faces latérales, une caricature sexuelle du président américain, Joe Biden, de son homologue français, Emmanuel Macron, et du préfet de police de Paris, Didier Lallement. Au-dessus du dessin peint sur un fond bleu blanc rouge, l’inscription «la sodomie en marche», en référence au nom du parti présidentiel. Le conducteur et la propriétaire, venus à bord de leur véhicule au rassemblement parisien des gilets jaunes samedi, ont été interpellés et placés en garde à vue à la mi-journée. Ils ont reçu dimanche une convocation pour une audience ultérieure et seront jugés pour «outrage à personne dépositaire de l’autorité publique», selon le parquet de Paris. Didier Lallement a porté plainte.
Le procès de la propriétaire du camion rose, Carole Pigaiani, aura lieu le 1er avril 2022, selon sa défense.
— CoyLoup (@CoyLoup) November 22, 2021
Le véhicule a été placé sous scellés dans l'attente de l'audience.https://t.co/f7hSwJ12Qu pic.twitter.com/j6FrcvdHGi
Est-ce pour protéger l’auteur de cette fresque ou pour se protéger elle-même mais Carole Pigaiani, propriétaire du camion, «nie avoir dessiné cette scène de sodomie entre Monsieur Macron et Monsieur Didier Lallement», ont rapporté ses avocats, Mes David Libeskind et Juan Branco, qualifiant d’«infondée» la poursuite pour outrage. «Cette caricature s’inscrit dans le libre exercice de la satire et de la liberté d’expression», ont-ils souligné. «Suivant une jurisprudence constante de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme), l’outrage ne peut être retenu contre le chef de l’Etat.»
«Arrestation et vingt-quatre heures de garde à vue pour un dessin»
La propriétaire de la fourgonnette a filmé son interpellation et l’a mise en ligne sur les réseaux sociaux. On la voit refuser de sortir du véhicule, jusqu’à ce que l’un des membres des forces de l’ordre brise une vitre pour ouvrir la porte et la faire descendre. Le véhicule a été placé sous scellés dans l’attente de l’audience, prévue le 1er avril 2022 selon les avocats de la défense.
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Selon les avocats de Carole Pigaiani, leur cliente, «présidente de l’association Exit-Life» ayant pour but «de lutter contre le suicide des jeunes LGBT», «circule régulièrement» en manifestation avec son foodtruck pour vendre à boire et à manger «au profit de son association», «les organisateurs le déclarant à la préfecture de police de Paris». Ils comptent par ailleurs déposer plainte pour harcèlement et discrimination, faisant valoir que depuis la nomination de Didier Lallement, les forces de l’ordre «bloquent toutes les semaines le camion rose avec un sabot, pour le faire sortir des manifestations». «Arrestation et vingt-quatre heures de garde à vue pour un dessin. Je pense que cela se passe de commentaires», a réagi Juan Branco sur son compte Twitter avant de poursuivre : «Carole est une gilet jaune de la première heure et la présidente d’une association LGBT qui porte assistance à des jeunes en risque de suicide. Le harcèlement dont elle fait l’objet est inacceptable et doit cesser.»
Carole est une gilet jaune de la première heure et la présidente d'une association LGBT qui porte assistance à des jeunes en risque de suicide. Le harcèlement dont elle fait l'objet est inacceptable et doit cesser.
— Juan Branco ✊ (@anatolium) November 21, 2021
Le cortège parisien des gilets jaunes a rassemblé officiellement 2 000 personnes ce samedi, pour les trois ans du mouvement. Ils étaient environ 2 400 dans le reste de la France, selon le ministère de l’Intérieur.
Ce n’est pas la première fois que des gilets jaunes sont poursuivis pour «outrage à personne dépositaire de l’autorité publique». Trois personnes mises en examen en décembre 2018 à Angoulême pour avoir simulé la «décapitation» d’Emmanuel Macron sur un mannequin à son effigie ont bénéficié d’un non-lieu deux ans plus tard.