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Traque

Ce que l’on sait de la cavale, de l’arrestation en Roumanie et du retour en France de Mohamed Amra, l’ex-fugitif le plus recherché de France

En fuite depuis son évasion sanglante de mai 2024, le narcotrafiquant dit «La Mouche», a été arrêté en Roumanie le samedi 22 février. Il devrait revenir en France dans les 30 jours. «Libération» fait le point sur les dernières informations.
Mohamed Amra, photographié lors de son arrestation à Bucarest, en Roumanie, le 22 février 2025. (G4Media/AFP)
publié le 23 février 2025 à 13h15
(mis à jour le 23 février 2025 à 20h31)

Du péage d’Incarville dans l’Eure à Bucarest en Roumanie, le parcours de l’homme le plus recherché de France, désormais derrière les barreaux, devrait susciter l’intérêt des enquêteurs. Comment Mohamed Amra, surnommé «la Mouche», a-t-il pu échapper durant neuf mois aux services de police européens ?

Le narcotrafiquant était fuite depuis son évasion sanglante le 14 mai 2024 opérée au niveau d’un péage autoroutier. L’attaque ultraviolente du fourgon avait coûté la vie à deux agents pénitentiaires. Ciblé par une notice rouge d’Interpol, Mohamed Amra a finalement été arrêté samedi 22 février aux alentours de 15 h 30 en Roumanie. Libération fait le point sur les circonstances de l’arrestation du narcotrafiquant.

Son arrestation en Roumanie

Les images communiquées par la police roumaine montrent un homme les cheveux teints en roux, lunettes de vues rondes sur le nez, le visage ceint d’une barbe rousse également, l’air hagard. Entouré par deux policiers roumains cagoulés, Mohamed Amra est filmé sur une vidéo, parka sur le dos et les mains menottées. Le désormais ex-fugitif a été arrêté sur la voie publique, non loin d’un centre commercial, à Bucarest en Roumanie. «En dépit du changement de coloration de ses cheveux, l’identification de l’intéressé [a été] confirmée par une reconnaissance faciale et la comparaison d’empreintes digitales», a indiqué ce dimanche la procureure de Paris, Laure Beccuau.

Les investigations pour retrouver le narcotrafiquant se sont accélérées ces derniers jours. Selon les informations de BFM TV, l’évadé avait été aperçu il y a peu en France, ce qui avait permis aux autorités de suivre sa trace jusqu’en Roumanie, avant d’identifier avec précision son refuge à Bucarest. La localisation du trentenaire a pu être possible grâce à un travail de surveillance téléphonique et d’identification d’une ligne utilisée par le suspect, découverte 48 heures avant son arrestation. Selon le Parisien, l’homme avait loué le 8 février un appartement à Bucarest pour une durée d’un mois. Interviewé par France 2 ce dimanche soir, le ministre de l’Intérieur roumain affirme que le fugitif français s’était rendu à Bucarest pour «faire des opérations esthétiques» avant de s’enfuir «en Colombie». L’été dernier, les enquêteurs avaient placé sous surveillance une villa de Marbella en Espagne. Le lieu était supposé être utilisé par des proches d’Amra, voire par le narcotrafiquant lui-même.

«L’opération a été menée à bien par la détection et la capture de l’homme, au nom duquel il y avait trois mandats d’arrêt européens pour avoir commis les crimes d’évasion, meurtre, trafic de drogue et privation de liberté», a annoncé samedi la police roumaine dans un communiqué. Le narcotrafiquant a accepté dimanche sa remise à la France par la Roumanie qui devrait intervenir dans les trente jours, a annoncé son avocate après une audience dimanche au tribunal de Bucarest. Il «ne reconnaît pas les faits commis mais souhaite respecter la décision des autorités françaises qui veulent le juger», a déclaré Maria Marcu concernant le multirécidiviste, dont l’évasion en mai 2024 avait causé la mort de deux agents pénitentiaires.

Espagne, Pays-Bas, France… Des arrestations en série dont celle du tueur présumé

C’est un vaste coup de filet qui a été mené dans la nuit de samedi à dimanche. Dans la foulée de l’arrestation de Mohamed Amra, huit interpellations ont eu lieu en France ainsi que deux en Espagne et aux Pays-Bas, a fait savoir la procureure de Paris ce 23 février en fin de matinée. «Elles sont suspectées d’avoir participé à la préparation, à l’exécution de l’évasion mais également d’avoir favorisé la dissimulation du fugitif», a souligné Laure Beccuau. En France, les opérations de police ont eu lieu en Normandie, à Evreux (Eure) et Rouen (Seine-Maritime), dans le quartier Grammont rive gauche, là où Mohamed Amra a grandi. Des interpellations ont également eu lieu au Havre.

Ces opérations ont mobilisé les agents de l’Office central de lutte contre le crime organisé, de la police judiciaire de Seine-Maritime mais aussi les brigades de recherche et d’intervention (BRI) de Rouen, Versailles et l’une des trois brigades nationales. Des armes de poing et au moins un fusil de type kalachnikov ont été retrouvés lors des perquisitions. Selon les informations du Parisien, un des hommes interpellés est soupçonné d’être le tireur ayant tué les deux agents pénitentiaires.

Dans l’affaire de l’attaque du fourgon, l’information judiciaire, pilotée par la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) à Paris, est ouverte, entre autres, des chefs «de meurtres et tentatives de meurtre en bande organisée, évasion en bande organisée ou encore participation à une association de malfaiteurs». Dans ce cadre, les gardes à vue peuvent durer jusqu’à 96 heures. Mohamed Amra, interpellé à Bucarest sur mandat d’arrêt européen, doit être présenté ce dimanche aux autorités judiciaires roumaines, qui «statueront sur sa remise à la justice française».

L’enquête autour de l’attaque du fourgon pénitentiaire progresse

Selon le Parisien, l’enquête autour de l’attaque du fourgon pénitentiaire semble démontrer qu’un seul tireur serait responsable des meurtres d’Arnaud Garcia, 34 ans, et de Fabrice Moello, 52 ans. Les soupçons s’orientent vers des proches et alliés de «la Mouche», notamment de Rouen. Le nom d’un groupe criminel potentiellement suspect est également apparu au cours de l’enquête : «la Black Mafia Family». Egalement appelé BMF, ce groupe est un collectif de narcotrafiquants rappelle le quotidien. Après neuf mois d’enquête, les investigations ont permis de collecter un certain nombre d’indices sur la chaîne d’exécutants et logisticiens qui sont derrière l’évasion mortelle de Mohamed Amra.

Toujours selon Le Parisien, certains membres auraient été recrutés sur contrats et deux équipes distinctes seraient à la manœuvre. Au moment où le convoi pénitentiaire qui escortait Mohamed Amra quittait le tribunal judiciaire de Rouen, un «donneur de go» aurait lancé le signal au commando armé depuis un restaurant situé non loin des lieux.

D’après l’enquête, Mohamed Amra avait mûri son plan d’évasion depuis un certain temps : l’attaque était initialement prévue la semaine précédente, le 7 mai, alors qu’il était jugé à Rouen pour une autre affaire, délictuelle celle-ci, qui a abouti à sa condamnation à 18 mois de prison ferme pour divers vols. Cependant, le plan avait échoué à la suite d’une intervention de la gendarmerie. Une voisine, intriguée par des allées et venues suspectes près de chez elle, avait alerté les autorités. Toujours selon le Parisien, le soir même du 7 mai, Mohamed Amra, furieux après l’échec de son plan, avait alors tenté de s’évader en sciant les barreaux de sa cellule.

Mise à jour : à 20 h 15, avec les propos du ministre de l’Intérieur roumain sur France 2.