Les opérations de sauvetage sont toujours en cours. Deux immeubles résidentiels de Marseille se sont effondrés dimanche 9 avril, le second ayant été fragilisé par la chute du premier. Bilan des victimes, opérations en cours, cause du sinistre… Libération fait le point.
Que s’est-il passé ?
Dans la nuit de samedi à dimanche, à 0 h 46, un immeuble résidentiel de quatre étages situé au 17 rue de Tivoli, à Marseille, s’est effondré. «Des images des caméras de surveillance ont détecté une explosion au niveau de l’immeuble du 17 rue Tivoli, puis des appels aux secours à partir de 0 h 47», ont alerté les autorités de la survenue du drame, a affirmé la procureur de la République de Marseille, Dominique Laurens, dimanche en fin d’après-midi lors d’une conférence de presse.
Située en bordure du quartier de la Plaine, connu pour ses bars et restaurants, la bâtisse était composée de quatre étages et, selon la Provence, de cinq appartements.
Dans son écroulement, le bâtiment a fragilisé les immeubles adjacents, situés aux numéros 15 et 19, qui ont été évacués. Tôt ce dimanche, une partie du 15 s’est également effondrée. Selon le maire Benoît Payan, le numéro 19 menace lui aussi de s’effondrer.
Reportage
Combien y a-t-il de victimes ?
Vingt-quatre heures après le drame, les secours ont d’abord découvert deux premiers corps dans les décombres, sur huit personnes présumées disparues. Après la nouvelle, le maire de Marseille Benoît Payan a rappelé ce lundi matin que ces chiffres doivent être pris avec précaution, «nous ne pouvons pas affirmer s’il y avait des invités par exemple» a-t-il précisé. Ces deux corps n’ont pas encore été identifiés, a précisé l’élu. Plus tard ce lundi matin, un troisième corps a été trouvé, portant à cinq le nombre de personnes encore portées disparues sous les décombres. Selon le parquet de Marseille, une des personnes envisagées disparues s’est finalement manifestée ce lundi matin auprès de ses proches. En fin de matinée ce lundi, un quatrième corps a été retrouvé sous les décombres, ont annoncé les marins-pompiers de Marseille et le ministre de la Ville et du Logement Olivier Klein.
Un quatrième puis un cinquième corps ont été découverts lundi, ont annoncé lundi soir les marins-pompiers de Marseille.
«S’il reste des vivants sous ces décombres, il faut les préserver à tout prix», d’où «le travail chirurgical» des marins-pompiers de la ville a insisté Payan : «il reste de l’espoir, et tant qu’il reste de l’espoir, nous ne nous arrêterons pas».
Lors de sa conférence de presse dimanche peu après 18 heures, la procureure de la République de Marseille indiquait que «huit personnes ne répondent pas aux appels». Parmi elles, sept habitent au 17 et une dans un rez-de-jardin au 15 de la rue de Tivoli. Les victimes seraient des «personnes d’un certain âge» et «un couple d’une trentaine d’années».
Jusqu’à présent, six personnes ont été transportées à l’hôpital, cinq d’entre elles en urgence relative. Toutefois, dès dimanche matin, Benoît Payan redoutait que le bilan ne s’alourdisse au fil de la journée : «Il faut qu’on se prépare à avoir des victimes dans ce terrible drame», a-t-il averti. Une crainte partagée par le ministre du Logement, Olivier Klein, qui a souligné sur Franceinfo qu’il s’agissait d’un «bilan très très provisoire». Le ministre est arrivé dans la ville ce lundi matin pour évoquer le relogement des habitants des immeubles concernés.
Par ailleurs, selon la Provence, huit personnes, qui avaient trouvé refuge sur le toit-terrasse du bâtiment situé au numéro 17 de la rue, ont été évacuées par voie aérienne dans la nuit. Gérald Darmanin précise ce midi que 33 personnes dans le secteur de Tivoli auraient été évacuées et 32 bâtiments ont également été vidés. A la mi-journée dimanche, Benoît Payan faisait état de 163 personnes prises en charge par la ville.
Au total, 206 personnes ont été évacuées a annoncé lundi le ministre délégué à la Ville et au Logement Olivier Klein. «50 personnes ont passé la nuit de dimanche à lundi à l’hôtel, dont sept enfants», a précisé le ministre.
Comment travaillent les secours ?
Les opérations de secours sont compliquées par «un incendie dans les décombres» qui «empêche d’envoyer les chiens et les équipes à la recherche des éventuelles victimes qui seraient sous les décombres», a précisé le maire de Marseille, Benoît Payan. «Nous sommes face à un phénomène rarissime de feu persistant depuis plusieurs heures à des températures très élevées. Les chiens [entraînés à la recherche de survivants, ndlr] sont dans l’incapacité de regarder, de voir, de sentir ce qui se passe», précise l’élu. Pour intervenir, il faut au préalable parvenir à noyer l’incendie. Une difficulté confirmée par la procureure dans la soirée : «les chiens ont pu intervenir à plusieurs reprises, mais que dès qu’ils déblaient l’incendie resurgit».
Interrogé ce dimanche soir sur BFMTV, le commandant des opérations de secours pour les marins pompiers de Marseille a expliqué que les pompiers fouillent l’ensemble de la zone en continu et font également des analyses d’air «pour avoir de vraies données sur les poussières émises». Au total, 105 marins-pompiers sont engagés ainsi qu’une quarantaine de véhicules, avec des roulements toutes les deux heures «car nous sommes obligés d’avoir du personnel reposé pour travailler en toute sécurité». «On fait des reconnaissances dans tous les appartements aux alentours pour être certain de ne pas avoir de personnes dans des zones de danger», ajoute le commandant, précisant qu’il n’y a, pour le moment, aucun blessé du côté des secours.
«C’est évidemment une course contre la montre car plus les gens resteront longtemps [sous les décombres], plus leurs chances [de survie] vont diminuer. Nous mettons tout en œuvre pour travailler de manière précise et éviter d’aggraver la situation. A tout instant on peut trouver une victime mais c’est une opération qui va durer plusieurs jours.»
A quoi est dû cet effondrement ?
Immédiatement, une enquête a été ouverte par le parquet de Marseille «pour blessures involontaires», un chef qui pourra évoluer et être requalifié en fonction des éléments transmis au fil des investigations. C’est la police judiciaire qui va s’atteler à déterminer les causes du drame. Si elles n’étaient pas encore connues dimanche dans la matinée, «les premiers éléments font état d’une explosion suivie de l’effondrement de l’immeuble, ayant entraîné dans sa chute une partie des immeubles adjacents du 15 et du 19 de la même rue», a pointé dans un communiqué le parquet en milieu de matinée. Dans le secteur bouclé tout autour du sinistre, les enquêteurs et les magistrats étaient mobilisés.
Selon le ministère du Logement, l’immeuble qui s’est effondré en premier n’était en situation «ni de péril, ni d’insalubrité, ni de vétusté». Il en serait de même pour les 30 immeubles qui l’entourent et qui ont été évacués par précaution. La même source indique d’ailleurs que «la plupart des personnes ont trouvé à se reloger chez des proches». Trois ont été mises à l’abri à l’hôtel par la Ville de Marseille qui a également ouvert un centre d’accueil des familles.
«Il y a de fortes suspicions qu’une explosion ait provoqué l’effondrement, mais il faut rester très prudent à ce stade», a indiqué Christophe Mirmand, préfet de la région des Bouches-du-Rhône. Le gaz pourrait être «une option possible», a-t-il ajouté, écartant l’hypothèse d’un immeuble vétuste : «Il n’y avait pas d’arrêté de péril pour ce bâtiment et ce n’est pas un quartier recensé comme ayant de l’habitat insalubre.» «Ça sentait carrément le gaz à ce moment-là», a témoigné auprès de la Provence une jeune fille qui rentrait chez elle avec une amie à l’instant où l’immeuble s’est effondré. La procureure de la République de Marseille a ajouté que l’explosion avait été d’«une extrême violence».
Suite à ces tragiques événements un centre d accueil des familles est ouvert au 110 bd de la libération dans le 4é arrondissement de Marseille. Il est destiné aux personnes recherchant des proches dont ils sont sans nouvelle depuis cette nuit. Accueil et soutien psy en place. https://t.co/hCAxVsRMqX
— Parquet de Marseille (@PR_Marseille) April 9, 2023
A lire aussi
Quel dispositif est mis en place ?
L’ensemble du secteur autour de l’immeuble est bouclé et plusieurs rues sont fermées, et les marins-pompiers, policiers, sécurité publique sont à l’œuvre. «Nous avons une centaine d’hommes sur le terrain, la priorité est bien évidemment d’éteindre l’incendie et de déblayer pour retrouver des personnes éventuellement coincées sous les décombres», a indiqué Lionel Mathieu, vice-amiral des marins-pompiers de Marseille.
Le parquet de Marseille a annoncé l’ouverture d’un centre d’accueil et de soutien psychologique pour les familles et aux personnes recherchant actuellement des proches. Un numéro vert a été mis en place par la mairie : 04 91 55 11 11. Selon BFM TV, la métropole d’Aix-Marseille-Provence indique qu’une «aide exceptionnelle» de 100 000 euros va être débloquée par le département des Bouches-du-Rhône «pour venir en aide aux victimes». «Son contour sera précisé en fonction des besoins de la ville et de l’Etat», précise-t-elle
Quel rapport avec la rue d’Aubagne ?
Si ce n’est que le drame s’est produit dans la même ville et que tous les Marseillais l’ont encore en tête cinq ans après, rien ne permet pour l’heure de relier l’effondrement du 17 rue Tivoli cette nuit à la catastrophe de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, qui avait coûté la vie à huit habitants d’un immeuble de Noailles. Un souvenir douloureux pour Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille au moment des faits, qui a réagi dans un communiqué ce matin : «Le cœur de Marseille est frappé à nouveau par l’horreur et notre cauchemar se répète.» Un parallèle pour l’instant hasardeux dans la mesure où l’insalubrité de l’immeuble ne semble pas en cause.
L’enquête sur les effondrements de deux immeubles rue d’Aubagne, en voie d’achèvement, a conduit à la mise en examen de l’ancien élu chargé de la prévention des risques, d’un expert à l’origine d’un arrêté de péril insuffisant, du syndic d’un des deux immeubles et la société Marseille Habitat, propriétaire de l’autre pour «homicides involontaires par violation délibérée d’une obligation de sécurité». La rue d’Aubagne mettant soudainement en lumière l’état catastrophique d’une partie du parc immobilier marseillais et le peu de scrupules de propriétaires d’habitats indignes.
A l’époque, l’absence de réaction à la mesure du drame de l’équipe municipale LR à la tête de la ville ainsi que sa fuite des responsabilités – la mairie avait mis en cause «la pluie» – avait suscité l’incompréhension et la colère de nombre d’habitants de la ville. Certains d’entre eux avaient créé le comité du 5 novembre pour venir en aide aux milliers de délogés de la rue. Toujours actif, ce comité a tôt ce matin demandé «à la mairie de prendre en charge au plus vite et dignement les personnes évacuées». Un gymnase et deux écoles ont été ouverts pour les accueillir.
Sur place, très tôt dans la nuit aux côtés des marins-pompiers, le maire Benoît Payan, a aussi sur le moment craint une nouvelle rue d’Aubagne : «Nous, les Marseillais, on a ça en tête, a-t-il réagi ce matin. La rue d’Aubagne, c’est l’habitat indigne, les marchands de sommeil, les profiteurs, on ne peut pas faire le parallèle avec ça aujourd’hui.» Les éléments de la nuit ne vont pas pour l’instant dans le sens de ce scénario, selon lui : «Rien ne nous permet de penser qu’on est dans une symétrie avec la rue d’Aubagne. Tout nous laisse penser le contraire. C’est évidemment la chose immédiate qui me vient en tête, mais c’est probablement autre chose.»
Mise à jour : lundi 10 avril à 9 h 45, avec l’ajout de la découverte de deux corps dans les décombres puis à 11 h 20 avec le troisième corps retrouvé.
Mise à jour : lundi 10 avril à 12 h 30, un quatrième corps a été retrouvé lundi matin sous les décombres de l’immeuble effondré dans la nuit de samedi à dimanche.
Mise à jour : lundi 10 avril à 19 h 20, un cinquième corps découvert par les pompiers.