Des draps blancs tendus derrière une grille blanche, pour faire écran aux corps du meurtrier et de sa victime, sur le parvis du tribunal judiciaire de Montpellier. Mardi 20 février, un homme de 72 ans a tué son ex-femme de 66 ans d’une balle dans la tête avant de se suicider, le tout devant des dizaines de témoins, des personnels du ministère de la Justice et des avocats pour la plupart.
Quelques heures après les faits, une conférence de presse du procureur de la République du Montpellier a permis de confirmer que Jacques B. et Marie-Pierre J. étaient divorcés depuis plusieurs années. Leur venue au tribunal judiciaire était liée à une convocation devant le juge des affaires familiales, sur fond de conflit autour des intérêts patrimoniaux.
Que s’est-il passé ?
Dans la cour du tribunal, devant le sas où sont effectués les contrôles de sécurité, l’homme de 72 ans a tiré «à deux reprises» : d’une première balle, il a «mortellement blessé» son ex-épouse de 66 ans, «avant de retourner l’arme contre lui», a expliqué le procureur de la République de Montpellier, Fabrice Bélargent. Selon une témoin directe de la scène interrogée par Libération, «juste après avoir tiré, [l’homme] a crié. Et quelques secondes après, il a mis le pistolet dans sa bouche. On a entendu une autre détonation. Il est mort sur le coup.»
Le procès du siècle
D’après plusieurs témoignages publiés par Midi Libre, «la victime était en train d’entrer dans le tribunal en s’approchant du sas de sécurité, le tireur était déjà assis à côté, sur un banc en béton. Je pense qu’il devait l’attendre. Dès qu’elle s’est avancée, il s’est approché et lui a tiré à bout portant dans la tête. Il a eu ensuite une énorme flaque de sang, le bruit, les cris. […] J’ai entendu l’autre détonation une dizaine de secondes plus tard».
Pourquoi les ex-conjoints étaient-ils convoqués au tribunal ?
Les ex-époux avaient rendez-vous à 14 heures pour la «liquidation de leurs intérêts patrimoniaux», a précisé le procureur de la République de Montpellier. Selon des informations du Parisien, ils étaient propriétaires d’une maison familiale à Castelnau-le-Lez, une cité huppée à l’est de Montpellier. Alors que le dossier du partage du patrimoine du couple traînait depuis de longues années, la vente de la demeure semblait être devenue une solution crédible afin que Jacques B. puisse honorer ses obligations. Mais, selon une personnalité du village, «il ne voulait pas entendre parler de se séparer de cette grande maison de famille. Il n’en démordait pas». Selon RTL, il accueillait des réfugiés ukrainiens dans cette maison depuis plusieurs mois.
L’homme n’était pas connu des services de police ou de justice et «les intéressés n’étaient pas convoqués devant le tribunal dans le cadre d’une procédure de violence intrafamiliale», a précisé le procureur : «Il n’y avait pas de procédure en cours pour violence et pas d’ordonnance de protection», a-t-il insisté. «On n’est pas du tout sur du terrorisme», ont rapidement fait savoir les autorités.
Quels dispositifs de prise en charge pour les témoins ?
La scène, choquante, s’est déroulée devant plusieurs dizaines de témoins. Les personnes présentes au tribunal, avocats et personnels de justice, ont été «immédiatement confinées avant d’être évacuées», a précisé le procureur de la République de Montpellier. «La communauté judiciaire est sous le choc», a annoncé le procureur. Une cellule médico-psychologique a été mise en place et, à partir de ce mercredi, la direction des services judiciaires a également prévu d’organiser un service interne de soutien piloté par le ministère de la Justice. «Tous les personnels de justice qui ont vu la scène ont la possibilité d’être pris en charge dès aujourd’hui par une cellule d’urgence», a précisé Fabrice Bélargent.
Interview
Quelles sont les réactions ?
«Horrifié par le féminicide qui a eu lieu devant le tribunal de Montpellier cet après-midi», a réagi sur X le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti : «Mes pensées vont à la victime et à ses proches. Tout mon soutien au personnel du tribunal. La cellule de soutien psychologique est déclenchée.» Sur X, le maire socialiste de Montpellier, Michaël Delafosse, a lui parlé d’«acte atroce» et assuré son «soutien aux personnels de justice durement éprouvés». «Ce féminicide dans notre ville est un rappel brutal de la réalité de la violence contre les femmes qui persiste dans notre société», a réagi dans un communiqué la conseillère municipale d’opposition et avocate au barreau de Montpellier Flora Labourier.
En moyenne, un féminicide survient tous les trois jours en France. Éric Dupond-Moretti a récemment avancé le chiffre de 94 féminicides en 2023, contre 118 en 2022, une baisse accueillie avec scepticisme par les associations féministes. La «persistance de la violence faite aux femmes n’est pas une fatalité», «nous devons y mettre fin et nous allons le faire», avait déclaré en novembre le président de la République Emmanuel Macron à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.