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Justice

Ce que l’on sait sur le jeune homme de 19 ans tué lors d’un contrôle policier à Cherbourg

"Refus d'obtempérer", une inflation mortelle de tirs policiersdossier
Dimanche 9 juin vers 23 h 40, Sulivan a été tué par la police lors d’un refus d’obtempérer. Sa mère a porté plainte mardi pour «homicide volontaire» contre la policière qui a tiré. Celle-ci a été mise examen, tandis qu’une marche blanche en hommage est organisée ce mercredi par les proches du jeune homme.
Le communiqué du procureur précise que la policière a été présentée à un juge d’instruction après la levée de sa garde à vue, et a été mise en examen pour «homicide volontaire». (Sameer Al-Doumy /AFP)
publié le 12 juin 2024 à 13h37

Tué pour un refus d’obtempérer. Après le tir policier mortel dont Sulivan a été victime, ce dimanche 9 juin, quelques échauffourées ont éclaté dans la nuit de lundi à mardi dans le quartier où résidait le jeune chaudronnier. Des feux d’artifice ont été lancés et quelques équipements urbains endommagés, rapporte France 3 Normandie. Sur un mur du quartier, un graffiti rouge demande la «Justice pour Sulli».

Mardi soir, la policière à l’origine du tir a été mise en examen pour «meurtre». «La fonctionnaire de police a été placée sous contrôle judiciaire strict» qui lui interdit notamment de se rendre à Cherbourg et d’exercer l’activité de policière, a précisé dans un communiqué le procureur de la République de Coutances, Gauthier Poupeau, désormais saisi de l’enquête.

Que s’est-il passé à Cherbourg dimanche soir ?

Dimanche soir, sur les coups de 23 heures 40, un équipage de trois policiers tente de contrôler un véhicule roulant à «une vitesse excessive», selon les termes du parquet, sur les hauteurs des quartiers sud-ouest de Cherbourg. A bord de l’habitacle de cette Seat, trois personnes, dont Sulivan, salarié en chaudronnerie âgé de 19 ans. Au départ saisi de l’enquête, le Procureur de la République de Cherbourg, Pierre-Yves Marot, précise dans un communiqué datant du lundi 10 juin, que le conducteur du véhicule «n’a pas obtempéré aux sommations en ce sens et avait poursuivi sa route.» Le véhicule d’un deuxième équipage policier bloque alors la fuite de la Seat, signalée comme volée en mai dernier, et contraint le conducteur à immobiliser le quatre-roues. «Ses trois occupants ont pris la fuite à pied», a détaillé ensuite le parquet.

Un premier individu parvient à échapper aux policiers. Le deuxième se fait interpeller «par le premier équipage de police et est placé en garde à vue du chef de recel», précise le parquet. Sulivan, désarmé – selon une source proche du dossier qui a parlé à l’AFP – se retrouve alors face au second équipage de policiers. Le jeune homme «bouscule volontairement l’un d’eux en prenant la fuite», détaille le procureur, Pierre-Yves Marot. Les deux policiers sortent alors leur arme – une létale, l’autre non – et pressent la détente en direction du jeune homme. «Le fonctionnaire a alors utilisé un pistolet à impulsion électrique. Concomitamment, un autre agent a fait usage de son arme à feu, le touchant mortellement au niveau de la poitrine», expose le procureur.

Sulivan s’écroule et «décède des suites de ses blessures quelques minutes après le tir», précise Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille de victime, dans la plainte pour «homicide volontaire» déposée par la mère de Sullivan que le Parisien a pu consulter.

Quelle procédures contre la policière ?

Au lendemain du tir mortel, la policière est placée en garde à vue pour «homicide volontaire». Le procureur de Cherbourg annonce que l’enquête est confiée à l’IGPN et précise qu’elle porte «sur des faits susceptibles de recevoir une qualification criminelle pouvant justifier la saisine du pôle de l’instruction de Coutances».

Parallèlement, la famille de Sulivan décide également de saisir la justice. Comme le révèle le Parisien, la mère de la victime porte plainte contre la policière pour «homicide volontaire» mardi 11 juin auprès du procureur de Cherbourg. Interrogé par Libération, Me Yassine Bouzrou a «la certitude que [le jeune homme] n’était pas armé et qu’il n’était pas dans la voiture [au moment du tir]». L’avocat pénaliste parisien estime que la fonctionnaire de police ne pouvait donc pas être en danger. «Le jeune Sullivan ne présentait un danger pour personne. Cette policière doit être déférée devant un juge d’instruction à l’issue de sa garde à vue» , réclame l’avocat dans les colonnes du Parisien. Il y demande aussi l’ouverture d’une information judiciaire.

Dans la soirée du mardi 11 juin, Pierre-Yves Marot, le procureur de la République de Cherbourg est finalement dessaisi de l’affaire au profit du pôle instruction de Coutances et de son procureur, Gauthier Poupeau. «Les investigations se poursuivent, sur commission rogatoire confiée à l’IGPN, sous l’autorité du juge d’instruction», a précisé mardi soir le parquet de Coutances dans un communiqué. Ce même communiqué précise que la policière a été présentée à un juge d’instruction après la levée de sa garde à vue, et a été mise en examen pour «homicide volontaire». La fonctionnaire a par ailleurs été placée sous contrôle judiciaire «strict». Il lui est donc notamment interdit de se rendre à Cherbourg, de poursuivre son «activité professionnelle de fonctionnaire de police» ou de «détenir ou porter une arme». La policière a obligation de pointer périodiquement auprès «des services désignés par le juge des libertés et de la détention».

De son côté, le conducteur de la voiture a été condamné à une peine aménageable de huit mois de prison et une interdiction de séjour à Cherbourg pour recel et défaut de permis, a appris l’AFP auprès du parquet de la ville ce mercredi. Il a «reconnu l’ensemble des faits et accepté la peine proposée (...)», a fait savoir le procureur, Pierre-Yves Marot. Un troisième occupant du véhicule, également interpellé et placé en garde à vue, a quant à lui bénéficié d’un classement sans suites.

Et maintenant ?

Une marche blanche est organisée par ses proches ce mercredi à 14 heures à Octeville, un quartier de Cherbourg.