Elle accueille au portillon, avec un chiot géant qui fait des bonds. A l’arrière de sa nouvelle maison, à Tonneins dans le Lot-et-Garonne, son futur potager de 60 mètres carrés est déjà dessiné. Qu’importe l’avis de ceux qui lui suggèrent d’y aller mollo au démarrage : «J’ai besoin de mettre les mains dans la terre. Rien n’est insurmontable.» Céline Boussié, 49 ans, est l’une des lanceuses d’alerte de l’affaire Moussaron, ce château dans la pampa gersoise accueillant des enfants handicapés. Des faits de maltraitance ont été dénoncés dès le milieu des années 1990, puis établis en 2013 par l’Agence régionale de santé, qui estime que ces «graves dysfonctionnements sont susceptibles d’affecter la santé, la sécurité, le bien-être physique et moral des jeunes accueillis».
Cinq enfants sont morts. Céline Boussié répète leurs prénoms, plusieurs fois : «Naïma, Naël, Kamel, Eddy et Franck.» L’établissement, toujours sur pied, a depuis changé de direction. Les anciens responsables n’ont jamais été condamnés : ils n’ont même jamais été poursuivis par la justice. Céline Boussié ne se l’explique pas. Elle a beau le raconter de toutes les manières possibles, dans un livre, dans une BD l’année dernière préfacée par le journaliste Nicolas Bourgouin, auteur d’un documentaire sur l’affaire. Elle ne comprend pas. «J’évite d’en parler parfois, les gens pensent que c’est impossible.» L’histoire est – il est vrai – difficile à croire. Surtout, cet écart entre les faits et les d