Trois ans après le drame, les condamnations. Deux jeunes hommes, jugés depuis cinq jours par la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques pour avoir mortellement frappé un chauffeur de bus à Bayonne en 2020, ont été condamnés tard dans la nuit jeudi 21 septembre à 15 et 13 ans de réclusion. Wyssem M., qui a porté le dernier coup à la victime et provoqué sa chute fatale au sol, a écopé de la peine la plus lourde.
En fin d’après midi, l’avocat général, Marc Mariée, avait requis quinze ans de réclusion à l’encontre des deux prévenus dans le réquisitoire : «Ils sont coupables. La société ne peut pas admettre qu’ils se comportent de cette manière sauvage, ils doivent être punis.»
Wyssem M. et Maxime G., 25 ans, comparaissaient depuis cinq jours pour des violences volontaires ayant entraîné la mort, sans intention de la donner, de Philippe Monguillot, un conducteur de 59 ans, marié et père de trois filles, qu’ils avaient roué de coups le 5 juillet 2020. Ce jour-là, après une première altercation liée à un contrôle de billet, une deuxième avait éclaté au sujet du port du masque sanitaire. Après avoir porté un coup de tête à l’un d’eux, le chauffeur avait été passé à tabac et laissé en état de mort cérébrale à côté du bus. Il avait succombé après cinq jours de coma à l’hôpital.
«C’est la première fois que je vois des témoins fondre en larmes»
Survenu au début d’un été post-confinement, ce drame avait déclenché une vague d’émotion nationale, une marche blanche réunissant des milliers de personnes à Bayonne. «Philippe Monguillot ce jour-là n’avait rien demandé à personne, il faisait son travail», a dit l’avocat général dans le réquisitoire, évacuant une «quelconque responsabilité» de la victime : «Le coup de tête est une réalité et alors ? Il ne justifie rien, il ne pourrait jamais justifier ce déferlement de violences.»
Plaidant pour les proches du défunt, Me Alexandre Novion a fustigé de «mauvais comédiens» qui ont «voulu faire de ce coup de tête un point névralgique du dossier». Le déroulé des violences, filmées par des caméras de vidéosurveillance, a été retracé durant les débats, la cour interrogeant des témoins encore choqués. «C’est la première fois que je vois des témoins fondre en larmes devant une cour d’assises trois ans après les faits», a souligné l’avocat général.
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Il a requis la même peine à l’encontre des deux accusés, alors que Wyssem M. a porté le dernier coup à la victime et provoqué sa chute fatale au sol, se refusant à «désolidariser» la responsabilité des deux jeunes hommes.
L’avocat de Maxime G. s’est employé, lui, à découper la scène, se concentrant sur les violences dont Philippe Monguillot se relève avec «une commotion cérébrale», de l’avis du médecin légiste, passible de «15 jours d’ITT». Son client aurait ensuite «tenté de rattraper» Wyssem M., «pour empêcher ce dernier coup de poing», a plaidé Me Dutin en demandant de requalifier les faits reprochés au premier en «violences volontaires ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours».
Absence d’empathie
Me Thierry Sagardoytho, qui défend Wyssem M., a sommé les jurés de laisser «le bruit et la fureur à la porte de cette salle d’audience». Pour lui, «l’essence de ce procès» tient dans les propos tenus par un témoin à la barre : «Cet homme-là ne méritait pas ça et ces garçons ne méritaient pas ça.» «Prononcer des peines justes, ce n’est pas effacer les souffrances ou faire preuve de faiblesse», a-t-il poursuivi.
Mercredi, les magistrats avaient peiné à faire reconnaître aux accusés leur responsabilité dans ce drame, après qu’un expert psychiatre qui les avait rencontrés quatre mois après les faits eut pointé leur «absence d’empathie et de sentiment de culpabilité». «Tant que vous ne serez pas capable d’articuler ‘‘Je suis responsable de la mort de Philippe Monguillot’’, vous n’aurez pas progressé, a lancé l’avocat général à l’adresse de Wyssem M. lors de son réquisitoire. Tant qu’il n’aura toujours pas compris les règles, il sera dangereux.»
Avant que la cour se retire pour délibérer, les deux accusés avaient présenté leurs «excuses» et demandé «pardon pour tout le mal fait» à la famille Monguillot.