Le périple meurtrier dont est suspecté Paul D. s’étend sur trois lieux de l’agglomération dunkerquoise. En quelques heures, dans l’après-midi du samedi 14 décembre, cet homme de 22 ans aurait tué par balles cinq hommes sans que n’apparaissent pour l’instant de liens évidents entre eux. Il s’est présenté à la gendarmerie de Ghyvelde (Nord) en fin de journée, en déclarant être l’auteur de ces cinq homicides. Il a alors été placé en garde à vue et les enquêteurs ont retrouvé plusieurs armes longues dans son véhicule. Dans un communiqué, la procureure de la République de Dunkerque, Charlotte Huet, a indiqué qu’une enquête était ouverte pour «meurtres précédés, accompagnés ou suivis d’un autre crime» et «acquisition, détention, port et transport d’armes de catégorie A et B».
Le premier meurtre a eu lieu dans la commune de Wormhout, vers 15 heures. Paul Dekeister, 29 ans, a été tué par balles, devant son domicile, un ancien corps de ferme qui se trouve au bout d’un chemin isolé. Cet homme est à la tête de plusieurs entreprises, dans le domaine du transport de marchandises. La plus importante d’entre elles est une société familiale fondée en 1973, Dekeister Frères. «C’est avec une immense tristesse que nous avons appris hier la tragédie laissant derrière elle des familles endeuillées et des proches anéantis», a réagi la municipalité de Wormhout dans un communiqué. Selon France Bleu Nord, le suspect du meurtre, chauffeur routier de profession, a travaillé dans la société de la victime. Paul Dekeister était un «chef d’entreprise avec une trentaine de salariés» et «jeune père», a dit le maire sans étiquette de Wormhout David Calcoen, à l’AFP, évoquant également des faits «impensables». Dimanche, alors qu’elle se trouvait devant la maison du chef d’entreprise tué, une journaliste de RTL a été agressée au cours de son direct. «La peine légitime des familles endeuillées ne justifie pas la violence physique contre une journaliste qui relatait factuellement les évènements», a déploré la Société des journalistes de RTL.
Deux agents de sécurité et deux migrants pris pour cible
Paul D. s’est ensuite rendu en voiture dans la commune voisine de Loon-Plage, vers 16 heures. Il aurait alors pris pour cible deux agents de sécurité qui travaillaient pour la société Eamus Cork Security dans la zone portuaire de Dunkerque. Ces deux employés, Aurélien Cugny et Marc Lehmhus, âgés de 33 et 37 ans, étaient en poste quand ils ont été abattus. Le club de pêche de ce dernier, père de deux enfants, regrettait dimanche «quelqu’un d’extrêmement gentil, toujours là pour les autres». En ligne, un proche d’Aurélien Cugny salue chez ce maître-chien un homme «généreux et toujours souriant».
Paul D. a enfin pris le chemin d’un camp de migrants de Mardyck, situé à proximité. Deux autres hommes ont été tués à cet endroit. La justice n’était pas en mesure de les identifier formellement dimanche. Ces deux dernières victimes «pourraient être de nationalité iranienne, être âgées de 19 et 30 ans et séjourner dans le camp avoisinant», a indiqué la procureure de la République dans son communiqué. Le lien entre Paul D. et ces deux victimes est inconnu. La circonstance aggravante relative à l’origine des deux exilés n’a, dans les premiers instants de l’enquête, pas été retenue par la justice.
Les motivations du suspect demeurent inconnues
Ce double meurtre a eu lieu devant de nombreux témoins, décrit à Libération Salomé Bahri, coordinatrice de l’association Utopia 56 à Grande-Synthe. Une de ses équipes était aussi sur place et a entendu les tirs, «vers 16h, 16h30» samedi, ce qui a poussé les bénévoles à quitter les lieux. Ce dimanche, l’association n’intervenait pas directement dans le camp, occupé par quelque 500 personnes et où des rassemblements d’hommage ont eu lieu, déclare Salomé Bahri par téléphone : «Nous laissons la place au recueillement, à leur deuil.» Elle ajoute que ces meurtres compliquent grandement le travail d’Utopia 56 : «Tout le monde se pose beaucoup de questions sur les raisons de ces meurtres. Tant les personnes solidaires que les exilés, qui sont terrifiés, mais pour qui aucune cellule psychologique, ni aucune mise à l’abri n’est proposée par les pouvoirs publics.»
Les motivations du suspect sont encore inconnues. Sa garde à vue, pour meurtre aggravé, pourrait se prolonger jusqu’à mercredi. Selon le quotidien régional la Voix du Nord, cet homme était membre d’un club de tir et aguerri au maniement des armes. «Compte tenu de la pluralité de victimes et de la pluralité de scènes de crimes, de nombreuses investigations sont en cours», a déclaré la procureure Charlotte Huet. Ces actes ont «notamment pour objet d’éclaircir les raisons ayant amené le mis en cause à commettre ces crimes, de préciser le déroulé des faits et de confirmer la catégorisation des armes».
Sur le réseau social X, le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete, a également réagi : «Si les intentions restent encore inconnues, ces actes insensés marquent l’ensemble de notre territoire. Nos pensées accompagnent les familles des victimes dans cette terrible épreuve.» Tandis que le ministre des Solidarités démissionnaire Paul Christophe, qui était avant cela député de la circonscription, a exprimé ses «condoléances aux familles et proches des cinq personnes mortes tragiquement».
Mise à jour : le 15 décembre à 15h50, avec la piste d’un différend d’ordre professionnel concernant l’un des meurtres et plusieurs autres réactions.