Menu
Libération
Crimes

Cold case : Gérald Darmanin veut inscrire dans la loi le recours à la généalogie génétique

Selon le ministre de la Justice, la technique consistant à piocher les ADN enregistrés dans des bases de données privées pourrait permettre de résoudre des dizaines de crimes non élucidés.

Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, à Réau (Seine-et-Marne), le 13 octobre 2025. (Bertrand Guay/AFP)
Publié le 20/10/2025 à 14h52

Une technologie jusqu’ici interdite en France, qui pourrait résoudre les cold cases. Gérald Darmanin a annoncé ce lundi 20 octobre au micro de France Inter son intention de légaliser le recours à la «généalogie génétique» : une technique déjà prisée par le FBI, qui consiste à comparer les empreintes génétiques retrouvées sur une scène de crime avec les bases de données de sociétés privées qui promettent à leurs utilisateurs de révéler leurs origines ethniques ou leurs liens familiaux à partir d’un test ADN.

«Il y a plus de 50 000 traces ADN dans le fichier du Fnaeg [Fichier national automatisé des empreintes génétiques, ndlr], le fichier des délinquants sexuels et des auteurs d’homicide, qui ne trouvent pas preneur. Si nous autorisons dans la loi la généalogie génétique, alors nous pourrions résoudre une partie de ces crimes», a fait valoir le garde des Sceaux.

Collaborations avec le FBI

Malgré son interdiction en France, des services de police français y ont déjà eu recours, via des commissions rogatoires internationales demandant à leurs homologues américains d’utiliser cette technologie. En décembre 2022, un homme soupçonné d’être un violeur en série, surnommé «le prédateur des bois», a ainsi pu être arrêté en Seine-et-Marne. Entre 1998 et 2008, cinq jeunes filles et jeunes femmes avaient été enlevées et violées en région parisienne, mais l’ADN de l’auteur présumé retrouvé sur les scènes de viol n’était pas inscrit au Fnaeg. Le FBI s’est appuyé sur les bases de données privées américaines pour y trouver une concordance. Outre cette exception, le cadre déjà défini par la loi permet aussi la résolution d’enquêtes par des recherches ADN plus poussées, en croisant les empreintes génétiques de personnes différentes. C’était notamment le cas pour le viol et le meurtre d’Elodie Kulik en 2002 dans la Somme, résolu en identifiant l’un des agresseurs de la jeune femme par l’ADN du père de celui-ci, inscrit au Fnaeg.

Les annonces de Gérald Darmanin s’inscrivent dans le cadre d’une visite ce lundi au sein du pôle «cold case» du parquet de Nanterre : il estime que plus de 30 affaires de ce service spécialisé dans les crimes non élucidés pourraient être résolues, sans plus de précisions sur les dossiers concernés.

Une pratique aux contours flous

Aux Etats-Unis, le recours à cette technologie aurait permis de résoudre 650 affaires criminelles entre 2018 et 2024, d’après une étude canadienne. Un chiffre impressionnant, qui ne connaîtrait peut-être pas d’équivalent en France. Selon Yaniv Erlich, généticien et ancien directeur scientifique de la société MyHeritage, leader du secteur, «près de 50 millions de personnes ont réalisé ce type de tests dont une majorité d’Américains», précisait-il à Radio France.

Selon l’association DNA Pass, spécialisée dans la génétique et les tests ADN, entre 100 000 et 200 000 Français réaliseraient chaque année ces tests ADN «récréatifs», malgré le flou qui encadre la pratique. «Les sociétés commercialisant ces tests apportent peu de garanties sur leur qualité et la sécurité des échantillons et des données [techniques d’analyse, modalités de stockage, etc.]», alerte la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur son site, pointant aussi les sanctions encourues par les adeptes de cette pratique encore illégale ; 3 750 euros d’amende pour l’achat d’un test, et 15 000 euros d’amende et d’un an de prison pour les personnes ou entreprises proposant ces tests.

Les modalités pour l’intégration de la généalogie génétique dans la loi se limitent pour l’instant «à la correspondance ADN» dans «certaines bases de données étrangères», souligne le ministère de la Justice dans un communiqué. L’utilisation de la généalogie génétique «sera strictement encadrée par la loi : réservée aux crimes les plus graves (meurtres, viols, enlèvements), et décidée sous le contrôle du juge», précise le ministère.