Menu
Libération
Répression

Colère contre la vie chère en Martinique : un couvre-feu partiel décrété après de nouvelles violences

Le préfet, représentant de l’Etat sur l’île des Caraïbes, a déclaré que des renforts «significatifs» de forces de l’ordre sont dépêchés sur place. Les manifestants dénoncent des prix alimentaires 40 % plus élevés qu’en métropole.
Une capture d'écran des émeutes à Fort-de-France, dans la nuit. (@upuknews1)
publié le 19 septembre 2024 à 7h34

Après une nouvelle nuit de violences urbaines dans un contexte de protestations contre les prix trop élevés en Martinique, un couvre-feu a été décrété dès mercredi 18 septembre au soir dans certains quartiers de Fort-de-France et de la commune limitrophe du Lamentin. Le préfet de la Martinique, Jean-Christophe Bouvier, a annoncé «avoir signé un arrêté de couvre-feu», entrant en vigueur de 21 heures à 5 heures du matin, dans les quartiers les plus touchés par les violences. Cet arrêté sera effectif au moins jusqu’au lundi 23 septembre, est-il précisé dans un communiqué de la préfecture.

Depuis plusieurs nuits, des violences urbaines secouent certains quartiers de Fort-de-France, chef-lieu de cette île des Antilles françaises peuplée d’environ 350 000 habitants. Dans la nuit de mardi à mercredi, un McDonald’s du quartier Dillon a été incendié, laissant ses employés au chômage technique, et des barricades ont été enflammées. Dans ce même quartier, un hypermarché Carrefour a été «envahi par une cinquantaine d’individus qui ont monté une barricade sur le parking et ont tenté de l’incendier», ont affirmé les autorités. Le Grand port maritime de Martinique, par lequel transitent 98 % des marchandises qui entrent ou sortent de ce territoire ultramarin, est lui aussi visé par le mouvement de contestation.

«J’ai demandé aux forces de sécurité intérieure de saturer les axes routiers et les ronds-points de leur présence, et de procéder à un maximum d’interpellations», a déclaré le préfet lors d’une conférence de presse, ajoutant que des renforts «significatifs» étaient arrivés et que d’autres arriveraient «dans les prochains jours». Un escadron de gendarmes, soit une centaine de militaires, a été envoyé en renfort.

Depuis le début du mouvement, «44 véhicules» ont été incendiés et «35 locaux commerciaux privés attaqués», et les autorités ont procédé à «15 interpellations», a détaillé Jean-Christophe Bouvier. Selon le préfet, «11 fonctionnaires de police ont été blessés par balle de tir d’arme à feu» et «trois émeutiers» ont également été blessés, dont l’un par balle.

«Aligner leurs prix à la France hexagonale»

Ces tensions s’inscrivent dans un contexte de mouvement de contestation contre la vie chère démarré début septembre. En Martinique, d’après une étude de l’Insee en 2022, les prix alimentaires étaient 40 % plus élevés que dans l’Hexagone. «On a lancé des injonctions depuis le mois de juillet, le 1er juillet précisément, envers la grande distribution en leur demandant d’aligner leurs prix à la France hexagonale», a déclaré Rodrigue Petitot, dirigeant du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes (RPPRAC). «Nous sommes français, nous avons les mêmes cartes d’identité, les mêmes amendes, les mêmes taxes si ce n’est plus de taxes, on ne comprend pas pourquoi au sujet de l’alimentaire précisément on ne pourrait pas avoir les mêmes prix», a critiqué Rodrigue Petitot, surnommé «le R» dans l’île.

Invités jeudi 12 septembre à une table ronde en préfecture avec l’ensemble des acteurs de la grande distribution et les institutions, les représentants du RPPRAC avaient quitté les négociations au bout de cinq minutes face au refus du préfet de retransmettre les échanges en direct sur les réseaux sociaux.

L’Etat, les distributeurs et les collectivités ont pour objectif une «baisse de 20 % en moyenne du prix» de 2 500 produits de première nécessité. Pour lutter contre la vie chère, la Collectivité territoriale de Martinique s’est prononcée en faveur d’une suppression des taux d’octroi de mer, la taxe spécifique aux départements d’Outre-mer s’appliquant aux biens importés, sur plusieurs centaines de produits.

«La cause est noble, mais la méthode, ce que nous sommes en train de vivre là, discrédite le mouvement», a dénoncé mercredi sur France Info Rosette Jean-Louis, présidente du conseil citoyen du quartier populaire Sainte-Thérèse, l’un des plus touchés par les violences.

Ce quartier «n’est pas concerné par le couvre-feu. Je n’ai pas souhaité pénaliser deux fois les citoyens qui y vivent, qui subissent déjà les violences, qui doivent parfois se déplacer, pour des raisons professionnelles, la nuit», a dit le préfet mercredi. Des violences avaient déjà éclaté à Sainte-Thérèse dans la nuit du 2 au 3 septembre, au cours de laquelle des policiers avaient été la cible de tirs à balles réelles. «Cette stratégie du chaos ne peut aboutir à aucune issue positive», a prévenu la préfecture.