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Justice

«Commises d’office» : une série, trois avocates et un autre portrait de Marseille

La saison 4 de la mini-série documentaire, écrite et réalisée par Fanny Fontan, nous plonge dans le quotidien de trois jeunes avocates marseillaises, intervenant souvent dans des dossiers de trafic de stupéfiants, mais présentant aussi la deuxième ville de France sous un autre angle.
Tiphaine Remy, jeune pénaliste d’origine rémoise, est l’une des trois héroïnes de la quatrième saison de «Commises d’office». (Melocoton.13 PRODS)
publié le 22 mai 2024 à 6h35

Dans le bureau blanc de Tiphaine Remy flotte à l’arrière-plan une robe d’avocat et un maillot de l’OM, floqué à son nom. La jeune pénaliste d’origine rémoise est l’une des trois héroïnes de la quatrième saison de Commises d’office, cette websérie documentaire disponible gratuitement à partir de ce mercredi 22 mai sur la plateforme France TV Slash. C’est un client qui lui a offert l’emblème bleu et blanc. Un cadeau qu’elle décrit ainsi, dans la courte présentation presse qui lui est consacrée : «Le maillot c’est le peuple, la robe c’est le service du peuple.» Voilà posé, en quelques mots, le propos qui traverse les six épisodes – courts et vibrants – de ce nouvel opus de Commises d’office, cette fois entièrement marseillais. «Moi je suis là pour vous aider. Je suis de votre côté», répète une petite voix mise en musique tout au long de la série.

Celle-ci donne à voir le quotidien de trois jeunes avocates, Nawel Filali, Tiphaine Remy et Pauline Larronde-Buzaud, respectivement trois ans, deux ans et un an de métier. Comment porter la voix de ces clients qu’elles n’ont pas toujours choisis ? Comment manœuvrer dans les couloirs sinueux d’une justice aux abois, où l’on a parfois «dix, quinze minutes tout au plus pour pouvoir apprécier la personne» que l’on s’apprête à défendre en comparution immédiate ? Comment lutter contre la ténacité d’un imaginaire collectif faisant de l’avocat «un nanti», et du pénaliste «un homme, généralement grand, avec une gouaille, un certain charisme», et les préjugés sexistes qui en découlent ?

Surtout, que signifie être avocate dans une ville comme Marseille où le trafic de stupéfiants engloutit une large part de l’activité judiciaire. «C’est une société dans la société» avec sa hiérarchie, dit Tiphaine Remy dans le deuxième épisode. On est loin, très loin des feuilletons policiers racoleurs faisant de la délinquance un objet de sensations fortes. L’autrice et réalisatrice Fanny Fontan donne à voir des témoignages subtils et vibrants sur la profession d’avocat, dessinant petit à petit une autre facette de la deuxième plus grande ville de France.

«Toutes mes tripes»

Filmées in situ, dans leurs cabinets comme dans les parloirs des Baumettes, les trois avocates se livrent avec sincérité à l’exercice, partageant leurs doutes et interrogations en voix off. Quelques séquences ont un précieux intérêt pédagogique, notamment sur la préparation d’un procès d’assises. Dans d’autres, plus légères, on les voit rire – avec leurs clients ou avec leurs confrères devant un match, PSG-OM évidemment. Dans cette «justice du quotidien» cabossée faute de moyens, mais où se croisent des professionnels engagés et les représentants d’une nouvelle génération d’avocats désireux de faire bouger les lignes.

Il faut voir le visage de Pauline Larronde-Buzaud se crisper de colère en lisant un procès-verbal d’audition, dans lequel les policiers décrivent son client du jour comme «un individu limité». «Des choses comme ça, je ne peux pas laisser passer. Je peux y mettre toutes mes tripes», souffle-t-elle, hors champ. La joie, aussi, lorsqu’elle appelle la mère francilienne d’un jeune homme, prévenu, venant d’être relaxé, faute d’éléments à charge dans le dossier : «Je vous appelle pour vous dire que votre fils rentre à Paris. Il est libre. Oui il est libre madame.»