Menacés nommément. Le premier président de la cour d’appel de Paris s’est inquiété ce lundi 31 mars des «menaces» à l’égard des magistrats ayant rendu le jugement dans l’affaire des assistants parlementaires européens et condamné Marine Le Pen à une inéligibilité immédiate de cinq ans. Exprimant dans un communiqué «sa vive préoccupation», Jacques Boulard déplore que la décision rendue par le tribunal de Paris suscite, «en particulier sur les réseaux sociaux, des attaques personnelles à l’encontre des trois magistrats composant la collégialité».
«Dans un Etat de droit démocratique, la critique d’une décision de justice ne peut en aucun cas s’exprimer par des menaces formulées à l’égard des magistrats», a-t-il insisté, appelant «au respect de l’institution judiciaire». Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe constitutionnel français chargé de garantir l’indépendance des magistrats, a abondé : «Ces réactions sont de nature à remettre en cause gravement l’indépendance de l’autorité judiciaire, fondement de l’Etat de droit, dont le Conseil supérieur de la magistrature est le garant constitutionnel.»
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Grave remise en cause de la justice
«Les menaces visant personnellement les magistrats en charge du dossier, tout comme les prises de parole de responsables politiques sur le bien-fondé des poursuites ou de la condamnation, en particulier au cours du délibéré, ne peuvent être acceptées dans une société démocratique», a également déploré l’instance, demandant à ce que «les débats judiciaires se déroulent dans un climat serein» et rappelant que «seules les peines limitativement énumérées par la loi, et donc votées par la représentation nationale, peuvent être prononcées par les magistrats».
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De nombreuses réactions particulièrement virulentes ont suivi l’annonce du jugement de Marine Le Pen. Si la droite et LFI, mais aussi François Bayrou, ont partagé un désaccord ou un «trouble», l’extrême droite, en France comme à l’international, s’est particulièrement insurgée. Certaines personnalités, comme Eric Ciotti ou le député du RN Frédéric Falcon, évoquent une «démocratie menacée», voire pour le second «une dictature assumée». Les régimes autocrates de la Russie et de la Hongrie ainsi que l’administration de Donald Trump y sont également allés de leur petit commentaire.
La juge présidant le tribunal a même été visée par Marine Le Pen ce soir lors de son passage au JT de TF1. «J’ai parfaitement compris ce que la présidente expliquait : […] m’empêcher de me présenter et d’être élue à l’élection présidentielle», a-t-elle martelé. «Ce qu’elle fait là, c’est qu’elle dit : “Je vais vous rendre inéligible tout de suite, et je le fais précisément pour vous empêcher d’être présidente de la République”»
«Dictature des juges»
Ces menaces ont été rapidement condamnées par le garde des Sceaux, Gérald Darmanin. Sur X, le ministre de la Justice a qualifié d’«inacceptables dans une démocratie» les menaces «proférées» à l’égard des magistrats du tribunal de Paris. «Les menaces proférées contre les magistrats du Tribunal judiciaire de Paris sont inacceptables dans une démocratie et préoccupantes pour l’indépendance de l’autorité judiciaire.»
Le billet de Jonathan Bouchet-Petersen
De son côté, le Parti socialiste a annoncé qu’il lançait «une pétition pour soutenir l’indépendance de la justice». Face à «une offensive massive contre l’institution judiciaire et son indépendance», la formation de centre-gauche a souligné dans un communiqué que «nul n’est au-dessus des lois, encore moins ceux qui aspirent à la plus haute fonction de l’Etat», et appelle à signer une pétition intitulée «Défendez la démocratie, défendez la Justice». La pétition des socialistes répond à celle lancée un peu plus tôt par le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, dénonçant «la dictature des juges».