Le parquet de Paris a ouvert vendredi 26 septembre au soir deux enquêtes à la suite de «messages menaçants» visant la présidente du tribunal correctionnel qui a condamné jeudi Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison et ordonné son incarcération prochaine. Dans l’après-midi, l’Union syndicale des magistrats (USM) avait annoncé avoir fait des signalements à la justice, évoquant des «menaces de mort ou de violences graves». Des investigations ont été confiées au Pôle national de lutte contre la haine en ligne, a indiqué le parquet de Paris, sans donner plus de détails sur les deux enquêtes «distinctes» ouvertes.
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Le parquet rappelle toutefois que les «menaces de mort à l’encontre des personnes dépositaires de l’autorité publiques» font «encourir une peine de cinq ans d’emprisonnement». Le cyberharcèlement – «propos ou comportement répétés, par une ou plusieurs personnes, ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de vie» – est réprimé de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, expose encore le ministère public. Divulguer des informations personnelles permettant «d’identifier ou localiser une personne dépositaire de l’autorité publique et l’exposant à un risque d’atteinte à sa personne ou à ses biens est une infraction faisant encourir la peine de cinq ans et 75 000 euros», développe également le parquet.
«Mise en danger»
Selon le secrétaire général adjoint de l’USM Aurélien Martini, la magistrate est visée par des menaces de mort et d’agression violente sur les réseaux sociaux, où sa photo est publiée. «On est attentifs et inquiets», a-t-il déclaré à l’AFP. Le parquet rappelle enfin «qu’il est fondamental, dans toute société démocratique, que le débat judiciaire demeure encadré par la procédure pénale». «L’appel est la voie légitime pour contester une décision de justice. Par ailleurs la liberté de parole, y compris en ligne, a pour limite la mise en danger des personnes», conclut le parquet.
Décryptage
Le tribunal correctionnel de Paris a condamné jeudi Nicolas Sarkozy à cinq ans d’emprisonnement avec incarcération prochaine pour avoir «laissé ses plus proches» démarcher la Libye de Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne victorieuse de 2007, une lourde peine infligée par «haine» selon l’ancien chef de l’Etat, qui crie ce dimanche au «complot» dans le JDD.
Le premier président de la cour d’appel de Paris a appelé «solennellement», samedi dans un communiqué, au respect de l’institution judiciaire et a déploré la «remise en cause» de l’impartialité de la justice. Ce même jour, le garde des Sceaux démissionnaire, Gérald Darmanin a «condamné sans aucune réserve» les menaces envers les magistrats. Le rival historique de Nicolas Sarkozy à droite, Dominique de Villepin, a lui déclaré sur RTL : «Que l’on s’interroge sur la décision, c’est une chose, que l’on remette en cause l’indépendance de la justice, que l’on critique la justice en tant qu’autorité judiciaire, cela me paraît […] inacceptable.»
«Silence assourdissant»
Sa prise de parole était attendue et s’est fait attendre. «Les attaques et menaces de mort, anciennes ou récentes, contre plusieurs magistrats sont inadmissibles», a dénoncé en fin de journée ce dimanche Emmanuel Macron. Le président de la République ajoutant sur X : «C’est pourquoi j’ai demandé au ministre de la Justice et au ministre de l’Intérieur, dès leur survenance, que leurs auteurs soient identifiés pour être très rapidement poursuivis». «Les décisions de justice peuvent être commentées ou critiquées dans le débat public mais toujours dans le respect de chacun», dit-il encore.
Le Syndicat de la magistrature, qui avait déjà dénoncé les attaques d’«une partie de la classe politique», avait regretté dimanche matin le silence «assourdissant» du président Emmanuel Macron concernant les menaces dont est la cible la présidente du tribunal. «Si le garde des Sceaux démissionnaire a cette fois apporté son soutien à l’institution judiciaire, le silence du président de la République, premier garant de l’indépendance de la justice, est quant à lui assourdissant», avait ainsi estimé le syndicat classé à gauche dans un communiqué.
Menaces virulentes
Cette année, deux autres enquêtes de ce type ont déjà été ouvertes après des menaces ayant visé les magistrats du tribunal correctionnel de Paris ayant condamné, cette fois, Marine Le Pen à une peine de cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate. En avril, le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné à huit mois de prison avec sursis un internaute de 76 ans pour outrage et provocation au meurtre pour un message en ligne contre la présidente du tribunal au procès du Rassemblement national.
Editorial
Le 31 mars, la cheffe de file de l’extrême droite avait été condamnée à quatre ans d’emprisonnement, dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique, et à une amende de 100 000 euros, ainsi qu’à une inéligibilité immédiate de cinq ans qui compromet sa candidature à la présidentielle de 2027. Le procès en appel se tiendra du 13 janvier au 12 février 2026 dans cette affaire de paiement de salariés du parti avec l’argent du Parlement européen. Après le délibéré du 31 mars, les magistrats ayant rendu la décision, notamment la présidente de la chambre concernée, ont été la cible de menaces très virulentes ayant mené au placement sous protection policière de cette dernière.
Le 1er avril, une enquête visant «les propos répréhensibles proférés à l’encontre des magistrats qui ont rendu collégialement la décision» avait été lancée. Une autre enquête avait déjà été ouverte en début d’année après des menaces de mort postées sur le site d’extrême droite Riposte laïque, dans la foulée des réquisitions du ministère public. Après la demande de dépaysement du parquet de Paris, c’est celui de Bobigny qui a été chargé des investigations sur les deux enquêtes.
Mis à jour dimanche 28 septembre à 12 h 40 avec la réaction du Syndicat de la magistrature ; à 16 h 36 avec celle de Dominique de Villepin ; à 18 h 33 avec celle d’Emmanuel Macron.