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Justice

Condamné une deuxième fois pour le viol de ses patientes, un homme sage-femme écope de quatorze ans de prison

L’ex-maïeuticien comparaissait devant la cour criminelle de l’Hérault pour des crimes commis sous couvert de gestes médicaux. Il avait déjà été reconnu coupable dans onze autres affaires en 2021.

La cour criminelle de l'Hérault, en 2024. (Pascal Guyot/AFP)
Publié le 05/09/2025 à 18h26

Des actes médicaux, censés «préparer à l’accouchement ou le suivi post-natal». C’est ainsi que Lionel Charvin s’est défendu des accusations de viols dont il est l’objet, devant la cour criminelle de l’Hérault. Une défense qui n’aura pas convaincu les magistrats, qui l’ont condamné ce vendredi 5 septembre à quatorze années de prison, suivant en cela les réquisitions du parquet.

L’ex-soignant de 54 ans exerçait en libéral et dans une clinique à Montpellier jusqu’en 2016. Il avait déjà été condamné en 2021 à douze ans de prison pour onze viols sur des patientes, avec la circonstance aggravante de «l’abus d’autorité conféré par sa fonction». Il n’avait pas fait appel, finissant par reconnaître sa culpabilité après ce premier procès. La médiatisation de l’affaire avait conduit une dizaine d’autres femmes à se manifester pour dénoncer des faits de même nature commis entre 2010 et 2016 à Montpellier.

«Ici, il n’y a qu’un coupable»

«C’est le dossier de la libération de la parole – qui a été verrouillée par la honte, par la culpabilité – par celles qui ont eu le courage de venir devant vous pour nommer les choses. Il n’est pas acceptable qu’une femme soit dépossédée de ses choix, notamment ses choix sexuels», a estimé l’avocat général, Yessine Bouchareb face à l’accusé. «Ici, il n’y a qu’un coupable, M. Charvin, et des victimes» et «il n’y a pas discussion sur la matérialité des faits», a insisté le représentant du ministère public, espérant que le «sentiment de culpabilité des victimes» s’estompe.

Les plaignantes accusent le maïeuticien de viols par pénétrations digitales – des «actes de masturbation» selon leurs avocats – sous couvert de gestes médicaux liés à la grossesse. Lionel Charvin, qui a répété tout au long du procès n’avoir «jamais eu l’intention de violer», défend un acte médical pour «solliciter les muscles du périnée». L’ancien praticien a même expliqué aux enquêteurs avoir agi de la sorte avec «beaucoup» de patientes. Potentiellement «une cinquantaine» sur les plus de 1 500 qu’il dit avoir accompagnées en dix-sept ans de pratique.

Une «perversion du cadre thérapeutique»

«Ce qu’il a fait constitue des viols», tonnait ce vendredi, au deuxième jour du procès, Me Iris Christol, une avocate des parties civiles. Et de rappeler la définition du viol par le droit français : une pénétration imposée par «violence, contrainte, menace ou surprise». «Introduire deux doigts dans le vagin d’une femme, sans demander, sans consentement, c’est de la surprise, et parce qu’il y a la contrainte morale pour ces femmes qui ont été complètement pétrifiées», a lancé Me Christol. Les plaignantes avaient expliqué aux enquêteurs avoir été «tétanisées» ou «paralysées» et n’avoir rien osé dire dans un premier temps ; un mécanisme traumatique quasi systématique chez les victimes de violences sexuelles.

Au cours de cette plaidoirie, Lionel Charvin a caché son visage derrière ses mains, geste interprété comme un maigre aveu de culpabilité. Le psychologue Alain Penin, qui l’a expertisé en détention en mai 2023, a relevé auprès de la cour un «début d’évolution psychique» depuis son incarcération. «Mais il reste des éléments à travailler : la minimisation de ses actes, une tendance à l’autojustification», a poursuivi l’expert, évoquant une «perversion du cadre thérapeutique, détourné au profit de son propre plaisir à lui».

«Multiplication des faits, multiplication des victimes, capacité de réflexion sur ses propres actes insuffisante. Toutes les inquiétudes ne sont pas levées à l’issue de l’audience», a aussi estimé le représentant du ministère public. «Un acte médical, pour être compris, nécessite une information précise, pour permettre un consentement éclairé. Les victimes ont été privées de cette possibilité de consentir ou non à un acte», a-t-il martelé à la fin de ses réquisitions.

«La confiance a été trahie : celle de sa profession, de ses collègues sages-femmes, mais avant tout de ses patientes», a conclu le procureur.