La mort inattendue du jeune prodige, le 17 mai, avait plongé le rap français dans la stupeur. Quelques mois plus tard, dans les esprits, ses refrains entêtants ont laissé place à la petite musique judiciaire, alors que l’entourage de Werenoi se déchire par plaintes interposées. Son ancien producteur, Babiry Sacko, connu sous le pseudonyme Babs, devait comparaître ce vendredi 24 octobre devant le tribunal correctionnel de Bobigny, pour «violences en réunions» et «cyberharcèlement», mais en l’absence du prévenu et de son avocat «en arrêt maladie», l’audience a été reportée au 15 janvier prochain. Les faits visés ont été commis quelques jours après la disparition du rappeur, à l’encontre d’une ancienne amie qui détiendrait une partie de la fortune de Werenoi – Jérémy Bana Owona à l’état civil.
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Fatima, la plaignante, a raconté au Parisien être tombée dans un guet-apens, dans la nuit du 21 au 22 mai. Elle aurait été frappée sauvagement dans un bar à chicha de Montreuil (Seine-Saint-Denis), par plusieurs hommes, dont Babiry Sacko. «Nous avons un certificat médical du jour de l’agression, les faits sont constitués», tranche auprès du quotidien l’avocate de Fatima, Clarisse Serre, précisant que sept jours d’incapacité totale de travail ont été prescrits à sa cliente lors de son dépôt de plainte, le 25 mai. Le producteur affirme avoir quitté le bar avant le déferlement de coups.
«Rends l’argent»
«C’est fini Dubaï. On va t’enterrer, tu vas rejoindre ton ami. Rends l’argent», dit avoir entendu Fatima pendant son agression. La jeune femme, résidente émiratie, est accusée par l’avocat du producteur Me Mourad Battikh de détenir «injustement sur un compte bancaire à Dubaï une somme d’un million d’euros appartenant à Werenoi et désormais destinée à ses enfants», dans un communiqué publié sur Instagram en juin. Des accusations relayées sur le compte X de Babiry Sacko lui-même, qui partage en masse les posts d’internautes la qualifiant de «sale voleuse qui soutire le 1 million d’euros sur le dos de Werenoi».
Ce 24 octobre, l’une des soeurs de Jéremy Bana Owona s’est exprimée en marge de l’audience. «On a les documents, ce million a déjà été investi dans l’immobilier à Dubaï par mon frère», a-t-elle assuré auprès de l’AFP, déplorant : «Quand mon frère était sur son lit de mort, directement, ils ont parlé de l’argent, ça fait froid dans le dos». Elle et sa mère, Virginie Bana Owona, étaient venues soutenir Fatima pour le procès annoncé.
Déjà sous le coup de menaces, la jeune femme d’une trentaine d’années n’avait pas assisté aux funérailles de son ami, acceptant néanmoins de rencontrer Babs quelques jours plus tard, qui lui aurait promis une ambiance «détendue». Fatima s’y était rendue accompagnée d’un ami. C’est alors que les coups ont plu. Deux mois après les faits et l’agression dénoncée, le producteur a de son côté déposé une plainte pour abus de confiance et extorsion. Auprès du Parisien, la jeune femme dément formellement : «Si j’avais eu cet argent, je serais loin d’ici.»
Un rappeur à l’ascension fulgurante
L’amitié de longue date entre Fatima et Werenoi datait de leur passage sur les bancs de leur collège de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), avant qu’ils ne se retrouvent en 2021 : elle travaillant dans l’évènementiel à Dubaï, lui en pleine ascension de sa carrière musicale.
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Werenoi s’est éteint à 31 ans au sommet de son art : plus gros vendeur de disques en 2023 et en 2024, il venait de remporter le prix du meilleur album de l’année lors de la troisième cérémonie des Flammes, mardi 13 mai, pour son projet Pyramide 2. «Je préfère garder ma vie privée pour moi», disait celui «qui a toujours mis son travail en avant plutôt que sa personne ou les embrouilles à clics», rapportait Libération au moment de son décès. Une discrétion dont semble s’être inspiré son entourage, qui a quasiment verrouillé tout contact avec la presse depuis sa mort.
Des intimidations répétées auprès de l’entourage
Seule exception à ce silence, un message sans équivoque sur les réseaux sociaux dénonçant les agissements d’un certain entourage, quelques jours seulement après les obsèques : «A peine sorti de son lit de mort, les complots et guerres de dynastie ont réveillé leurs âmes pourries, écrivait-elle. J’ai eu à débrancher mon fils […], ça parlait déjà d’argent […] Laissez-moi faire mon deuil.»
Présente en soutien de Fatima à l’audience prévue ce vendredi, la mère de Jérémy dénonce elle aussi des intimidations de la part du producteur et de son entourage. Elle formule auprès de la jeune femme des paroles rassurantes, rapportées au Parisien : «Des gens sont encore venus m’endormir la semaine dernière. Je suis de tout cœur avec toi.»
Le casier judiciaire de Babiry Sacko fait état de douze mentions, dont une condamnation à de la prison ferme pour trafic de stupéfiants. L’audience renvoyée au 15 janvier doit permettre de déterminer sa responsabilité dans l’agression, sans pour autant lever le voile sur le million disparu ; Fatima est toujours visée par la plainte du producteur pour «extorsion et détournement de fonds».