Le message est inhabituellement laconique. «A Francia Fora ! (La France dehors !) Nous n’avons pas de destin commun avec la France.» C’est en ces termes que le Front de libération national de la Corse (FLNC) a revendiqué la série d’explosions qui ont frappé dans la nuit de dimanche à lundi une vingtaine de bâtiments à travers l’île. Une «nuit bleue» comme la Corse n’en avait plus connu depuis 2012.
Transmise au quotidien Corse Matin, la missive est certes destinée à Emmanuel Macron. Le 28 septembre, le chef de l’Etat a proposé une «autonomie», à l’issue des négociations engagées il y a dix-huit mois entre élus insulaires et ministère de l’Intérieur. Négociations ouvertes après les émeutes déclenchées sur l’île par l’agression mortelle d’Yvan Colonna en prison. Sans annoncer de nouvelles actions, l’organisation clandestine, à qui les autorités imputent plus de 10 000 attentats ainsi que 70 homicides, avait redit début août son opposition au processus institutionnel en cours, insistant sur ses fondamentaux. Reconnaissance du peuple corse, co-officialité de la langue, statut de résident, pouvoir normatif… Aucun des marqueurs indépendantistes ne s’est retrouvé dans le discours présidentiel.
Mais le dernier message du FLNC est aussi – et peut-être en premier lieu – adressé au président de l’exécutif de Corse, Gilles Simeoni. Lors de la visite d’Emmanuel Macron, le chef de file des autonomistes avait, en effet, fait part de sa volonté de construire «le présent et l’avenir […] dans le dialogue avec l’Etat et au sein de la République française». Des mots qui n’ont pas plu au parti Corsica Libera, branche politique des indépendantistes corses avec Core in Fronte.
Division du camp nationaliste
Dans son numéro de septembre, le magazine U Ribombu, journal historiquement proche de Corsica Libera, a fustigé la stratégie de Gilles Simeoni. Alors qu’une étape importante semblait franchie entre Paris et la Corse, cette série de détonations, qui ont visé des résidences secondaires, un centre des impôts désaffectés ou un lotissement en construction, fait éclater au grand jour la division du camp nationaliste.
Le FLNC avait en effet officiellement déposé les armes en 2014, avant la victoire des nationalistes aux élections territoriales de décembre 2015. Six ans plus tard, le parti de Gilles Simeoni (Femu a Corsica, autonomiste) avait raflé la majorité des voix, laissant sur les bancs de l’opposition ses anciens alliés autonomistes du Partitu di a Nazione Corsa ou les indépendantistes de Corsica Libera, parti fondé par Jean-Guy Talamoni, ancien avocat de figures du FLNC. Ce nouveau rapport de force a eu pour conséquence de réactiver le mouvement clandestin en 2021.
Au cours des deux dernières années, le FLNC a ainsi revendiqué une trentaine d’actions, tandis qu’un nouveau groupe baptisé GCC a de son côté frappé plusieurs cibles sur le continent ou dans l’île. Les dernières explosions, spectaculaires, et la surenchère entre indépendantistes risquent de déstabiliser l’équilibre politique sur lequel compte Emmanuel Macron pour faire aboutir cette autonomie «à la Corse».