Le tribunal administratif de Bastia a annoncé ce lundi 19 août avoir suspendu l’interdiction des «tenues manifestant une appartenance religieuse» sur la plage de Lecci (Corse-du-Sud), instaurée par la mairie deux semaines plus tôt. Le 7 août, Don Georges Gianni, le maire de cette petite commune au nord de Porto-Vecchio, a émis un arrêté pour interdire l’accès aux plages et à la baignade à toute personne n’ayant pas une «tenue correcte respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité ainsi que le port de vêtements pendant la baignade ayant une connotation contraire à ces principes». Quelques jours plus tôt, quatre femmes s’étaient baignées en burkini sur une plage de Lecci, rapporte Corse Matin.
Atteinte grave et illégale aux libertés fondamentales
Saisie par la Ligue des Droits de l’Homme, la juge des référés du tribunal administratif de Bastia a donc retoqué cette décision, arguant dans un communiqué qu’elle devait être justifiée «par un risque actuel et avéré pour l’ordre public». De fait, «la commune n’ayant pas démontré l’existence d’un tel risque, le tribunal estime que cette interdiction porte atteinte de manière grave et illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de conscience et à la liberté personnelle», résume un communiqué du tribunal.
Décryptage
Si le maire peut prendre des mesures concernant l’accès à la plage, la sécurité de la baignade, l’hygiène et la décence, ajoute le tribunal administratif, l’élu de Lecci a souhaité interdire «le port de tenues de bain manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse» justifiant «le contexte de menace terroriste, le climat de tension international notamment au Moyen-Orient et Proche-Orient», citant également «l’état d’urgence», au demeurant inexact. Par ailleurs, la commune affirme que ces tenues ne garantissent pas le respect des règles d’hygiène et de sécurité, sans apporter de preuves. Ces motifs n’ont pas convaincu le tribunal, qui estime que cet arrêté porte une atteinte grave et illégale aux libertés fondamentales.
Au cours de l’été 2016, le maillot de bain couvrant avait été au centre de polémiques déclenchées, déjà, par quelques arrêtés municipaux les interdisant, finalement annulés par le Conseil d’Etat. En 2022, la plus haute juridiction administrative, chargée de trancher les litiges entre les citoyens et les administrations, avait donné raison à la préfecture de l’Isère, qui s’opposait vivement à une nouvelle disposition controversée de la commune de Grenoble, autorisant le port du burkini.