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Arrêté

Couvre-feu pour les moins de 13 ans à Béziers : devant la justice, la LDH dénonce «un fantasme» et «une instrumentalisation politique»

Ce mercredi 15 mai, au tribunal administratif de Montpellier, l’association demandait la suspension de l’arrêté du maire de Béziers imposant un couvre-feu aux moins de 13 ans depuis le 22 avril. Ce référé suspension ayant été rejeté dans l’après-midi, la LDH annonce un recours en cassation devant le Conseil d’Etat.
Le maire de Béziers, Robert Ménard, a instauré un couvre-feu pour les mineurs de 13 ans depuis le 22 avril. (Pascal Guyot /AFP)
par Solange de Fréminville, correspondance à Montpellier
publié le 15 mai 2024 à 15h06
(mis à jour le 15 mai 2024 à 17h14)

«Il faut arrêter de faire croire que les parents des quartiers populaires ne savent pas s’occuper de leurs enfants !» La voix de Me Sophie Mazas, avocate de la Ligue des droits de l’homme (LDH), tonne dans l’enceinte du tribunal administratif de Montpellier, ce matin du mercredi 15 mai. L’association demande la suspension d’un arrêté du maire de Béziers, Robert Ménard, proche du RN, qui a instauré le 22 avril un couvre-feu pour les moins de 13 ans dans trois quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) : le centre historique et ses abords, la Devèze et Iranget-Grangette. Selon cette décision, ils ne peuvent plus circuler sur la voie publique de 23 heures à 6 heures du matin sans être accompagnés par une personne majeure. Si la police municipale ou nationale les repère, ils peuvent être reconduits à leur domicile ou au commissariat. Quant à leurs parents, ils s’exposent à des poursuites pénales. Et cela, jusqu’au 30 septembre.

«Journées plus longues»

«Une mesure de protection d’une population fragile» et de «responsabilisation des parents», avance l’avocat de la ville de Béziers, Alexandre Bellotti. Sans se référer aux justifications fournies par le maire de Béziers le 22 avril – l’incendie d’une école en 2019 et les émeutes de juillet 2023 –, Me Bellotti a évoqué la volonté de l’édile de «se substituer à des parents absents», un taux de victimes de la délinquance légèrement supérieur dans les villes moyennes (telles que Béziers, 79 000 habitants) et des éléments récents fournis par la police de la ville, mais sans préciser combien de mineurs ont été concernés, ni leur âge, ni les motifs des contrôles. Enfin, d’après lui, avec «des journées plus longues» et l’afflux de touristes, les «risques» seraient accrus pour les moins de 13 ans.

En réalité, «la mairie de Béziers n’apporte aucun élément précis, justifié, d’un risque particulier, spécifique, pour les mineurs de moins de 13 ans dans les QPV», rétorque l’avocate de la LDH, dénonçant «un fantasme». Pour cette même raison, le Conseil d'Etat avait annulé en 2018 un arrêté similaire pris par Robert Ménard quatre ans auparavant. Aussi, resigner un acte semblable, c’est, selon elle, «violer l’autorité de la chose jugée».

«Violences intrafamiliales»

En outre, «il faudrait laisser les touristes consommer en enfermant les mineurs de moins de 13 ans», raille l’avocate de la LDH, rappelant que, «quand il fait 35 degrés ou 40 degrés et que les gens n’ont pas la clim, ils vont dehors». Elle préfère pointer «les violences intrafamiliales qui augmentent à Béziers : un mineur seul dans la rue la nuit, on ne le ramène pas chez ses parents si c’est pour qu’ils le frappent encore plus fort». Surtout, souligne-t-elle, la décision de l’édile relève d’une «instrumentalisation politique» : Robert Ménard a pris son arrêté quatre jours après le discours de Gabriel Attal annonçant son projet d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs.

Ce reféré-suspension ayant été rejeté dans l’après-midi par le tribunal administratif de Montpellier, l’avocate de la LDH annonce «un recours en cassation» auprès du Conseil d’Etat «au regard de l’absence de situation particulière justifiée» pour instaurer ce couvre-feu à Béziers. «On ne peut limiter la liberté des personnes que sur la base d’éléments réels», souligne-t-elle. Par ailleurs, l’association maintient la procédure en annulation auprès du tribunal de Montpellier, dont l’audience devrait se tenir dans un délai de dix-huit mois.

Mise à jour le 15 mai à 17h15 avec la décision du tribunal administratif de Montpellier