«Je remets ma vie entre vos mains», avait déclaré Mamadou Diallo ce jeudi 19 octobre en fin d’après-midi ce jeudi 19 octobre aux jurés qui se retiraient pour délibérer. Après plus de trois heures de discussions à huis clos, à l’issue de son procès en appel devant la cour d’assises de Lyon, ils ont décidé de condamner l’homme de 34 ans à seize années de réclusion pour le meurtre d’une postière dans l’Ain en 2008. A l’annonce du verdict, l’accusé s’est longuement plongé la tête dans les mains. Il comparaissait libre et doit être envoyé en détention dans la soirée.
Depuis une semaine, Mamadou Diallo était à nouveau jugé pour le meurtre de Catherine Burgod, une femme enceinte de 41 ans qui avait été retrouvée lardée de 28 coups de couteau dans la petite agence postale de Montréal-la-Cluse (Ain), en décembre 2008. En avril 2022, lors du premier procès, celui qui a toujours nié l’avoir tuée avait été acquitté «au bénéfice du doute», avant que le parquet ne fasse appel. Son avocate, Sylvie Noachovitch, espérait voir le scénario se reproduire cette semaine. «Trouvez-moi un mobile !» a-t-elle lancé à la cour d’appel du Rhône : «Il ne faut pas condamner un innocent pour assouvir le chagrin d’une famille.» Venue «combattre une erreur judiciaire», elle a interpellé droit dans les yeux les jurés : «Qui aujourd’hui peut dire qu’il n’a pas de doute ?»
L’ombre de Gérald Thomassin, le «coupable idéal»
«Monsieur Diallo n’est pas un coupable par substitution qui vient par hasard», avait pour sa part assuré l’avocat général, Eric Mazaud, requérant comme en première instance trente ans de réclusion. L’avocat général a consacré la première partie de son réquisitoire à «crucifier» l’hypothèse d’une culpabilité de Gérald Thomassin, un ancien espoir du cinéma devenu marginal, qui habitait en face de l’agence postale et a longtemps fait office de «coupable idéal». Cet acteur primé pour son rôle dans un film de Jacques Doillon, le Petit criminel, avait été mis en examen après des déclarations troublantes et deux discussions téléphoniques en forme d’aveu.
L’enquête avait toutefois pris une nouvelle orientation en 2017, quand de l’ADN retrouvé sur la scène de crime avait été identifié comme celui de Mamadou Diallo, après avoir été relevé dans une affaire de carte bancaire volée et finalement classée sans suite. Depuis son arrestation, ce dernier soutient avoir découvert le corps et volé une liasse de billets en quittant les lieux, «en état de choc», sans appeler les secours. Quant à Gérald Thomassin, il a disparu en 2019 avant de bénéficier d’un non-lieu.
Tout au long du procès, la défense est restée fidèle à sa ligne : raviver les soupçons contre le comédien. Pour Me Noachovitch, l’«immaturité», la personnalité et la «honte» de son client rendent impossible le crime, contrairement à Gérald Thomassin, qu’elle a décrit comme «déséquilibré» et ayant déjà fait l’objet de condamnations. Elle a fustigé un dossier qui «ne tient pas», pointant notamment que l’arme n’a pas été retrouvée et que l’ADN de Mamadou Diallo n’était pas sur le corps de la victime. Elle a aussi invoqué un comportement cohérent avec un «choc traumatique».
«Le braquage qui a mal tourné, ça arrive»
«La version du vol simple ne peut expliquer la réalité», a à l’inverse estimé l’avocat général : «Mamadou Diallo est le seul à laisser des traces de lui à des endroits incriminants.» Après un «puissant combat» de quinze ans pour la vérité, la famille et les proches de la victime sont eux aussi convaincus de la culpabilité de Mamadou Diallo, a souligné leur avocat, Jean-François Barre, exhortant la cour à «tout remettre à plat».
Lors des six jours d’audience, la famille et les proches de celui qui est aujourd’hui brancardier se sont dits convaincus de l’innocence de ce jeune homme «gentil», «empathique», «jovial». «Le braquage qui a mal tourné, ça arrive», a rétorqué l’avocat général, prenant pour exemple un crime similaire quasiment le même jour à la même heure, à une soixante de kilomètres de Montréal-la-Cluse, par un ouvrier surendetté. L’enquête de personnalité a aussi décrit un homme «aux deux visages», capable de mentir, selon l’expression d’une ancienne petite amie. Me Nouachovitch a au contraire fait le portrait d’un homme «honnête».
L’accusé s’est longuement défendu sur la «chronologie serrée» du meurtre : moins d’une demi-heure sépare le dernier signe de vie de Catherine Burgod (un SMS envoyé à 08 h 36) et la découverte de son corps par des clients peu après 9 heures. Cela n’a pas suffi à convaincre les jurés.