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Tensions

Dans la Martinique en proie aux émeutes, aéroport fermé et plan blanc déclenché

Pas moins de 26 policiers et gendarmes ont été blessés dans l’île jeudi 10 octobre, journée marquée par la fermeture de l’aéroport et le déroutage de trois avions vers la Guadeloupe après l’intrusion de manifestants sur le tarmac.
Aux abords de l'aéroport Aimé-Césaire le 10 octobre. (Capture d'écran d'après vidéo /@matt_pasteau/RCI)
publié le 11 octobre 2024 à 7h37

Le gros déploiement policier, le couvre-feu et l’interdiction des manifestations décrétés sur l’ensemble de la Martinique n’ont pas fait redescendre la tension. Un total de 26 policiers et gendarmes ont été blessés jeudi 10 octobre dans l’île, «dont un par balles», a indiqué à l’AFP une source préfectorale. Pas moins de 400 véhicules ont été brûlés, selon une source policière, un immense parking abritant des voitures neuves importées en Martinique étant notamment parti en fumée.

La journée a également été marquée par la fermeture de l’aéroport Aime-Césaire au Lamentin et le déroutage de trois avions vers la Guadeloupe. Jeudi après-midi, plus d’une cinquantaine de personnes ont envahi la piste de l’aéroport, voulant empêcher l’arrivée de renforts policiers. «Des rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux cet après-midi, selon lesquelles 300 ou 350 CRS devaient arriver en Martinique par avion. Cette information totalement fausse est à l’origine de regroupements et de l’envahissement de la piste de l’aéroport», a déploré la préfecture de Martinique sur le réseau social X. En fin de journée, trois vols avec «à leurs bords 1 117 passagers» ont été déroutés vers Pointe-à-Pitre à la suite de la fermeture de l’aéroport, selon la préfecture de Guadeloupe.

Un homme a par ailleurs été tué par balle dans des circonstances encore obscures : il a été retrouvé blessé par les gendarmes qui intervenaient contre le pillage d’un centre commercial au Robert, dans l’est de l’île, et est décédé à l’hôpital, selon la préfecture de Martinique. Une enquête a été ouverte, a ajouté la préfecture, en écartant l’implication des forces de l’ordre qui n’ont «pas fait usage de leurs armes au cours des émeutes». De source proche du dossier, l’homme aurait été victime d’un règlement de comptes entre émeutiers.

Ecoles fermées pour le deuxième jour de suite

Depuis septembre, l’île antillaise est marquée par un mouvement contre la vie chère, thématique récurrente dans les Outre-mer, qui a dégénéré en violences urbaines. Le mouvement contre la vie chère a été lancé début septembre par le RPPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens), qui exige un alignement sur l’Hexagone des prix des produits alimentaires, affichés 40 % plus chers en Martinique. La situation s’était calmée ces dernières semaines mais des incidents ont éclaté lundi entre les CRS et des militants qui menaient une action de blocage au Lamentin. Depuis, des violences urbaines sont à nouveau recensées chaque nuit.

Conséquence, le préfet de l’île, Jean-Christophe Bouvier, a signé jeudi deux arrêtés concernant «l’ensemble du territoire de la Martinique». Le premier instaure un couvre-feu de 21 heures à 5 heures, le second a interdit les rassemblements et les manifestations à partir de 18 heures jeudi. Les deux arrêtés courent jusqu’à lundi. Les établissements scolaires resteront par ailleurs fermés pour le deuxième jour consécutif ce vendredi 11 octobre, a indiqué le rectorat de Martinique.

Le CHU de la Martinique a annoncé jeudi le déclenchement d’un plan blanc au cours duquel des «déprogrammations d’actes opératoires ou de consultations sont organisées». «Toutefois, une attention particulière est portée s’agissant des interventions urgentes ou liées à la cancérologie», a ajouté le CHU dans son communiqué, précisant que «les rendez-vous annulés feront l’objet d’une reprogrammation dans les meilleurs délais». En outre, les pharmacies de l’île ont déclaré le même jour «ne plus être en mesure d’assurer le service d’urgence».

Une sixième table ronde contre la vie chère est prévue vendredi à 15 heures avec les différents acteurs. Les cinq précédentes, réunissant le RPPRAC et les acteurs économiques, élus, services de l’Etat et la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) n’ont pas donné de résultat jugé satisfaisant par les protestataires. «Les magasins sont cassés parce qu’on a cassé le portefeuille du peuple», a déclaré Rodrigue Petitot, président du RPPRAC. «Cette violence, on peut la classer du côté de la légitime défense», a poursuivi celui qui est surnommé «Le R», affirmant que son mouvement avait «toujours insisté pour que ce soit pacifique».