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Décès de Naomi Musenga : l’opératrice du Samu mise en examen, un procès espéré par la famille

L’opératrice du Samu qui avait raillé au téléphone Naomi Musenga, retardant la prise en charge de cette jeune femme morte fin 2017 à l’hôpital de Strasbourg, a été mise en examen pour «non-assistance à personne en danger», a indiqué le parquet ce vendredi 12 janvier.
Marche blanche organisée par le collectif Justice pour Naomi, morte après avoir été moquée par une opératrice du Samu de Strasbourg, le 29 décembre 2017. COMMANDE N° 2018-0613 (Pascal Bastien/Libération)
publié le 12 janvier 2024 à 17h53

Six ans après, l’espoir d’un procès pour les proches de Naomi Musenga : après le décès fin 2017 à l’hôpital de Strasbourg de cette jeune femme, moquée au téléphone par une opératrice du Samu, l’instruction est achevée et le parquet a requis le renvoi en correctionnelle de l’opératrice pour «non-assistance à personne en danger». Cette régulatrice «qui avait réceptionné les deux appels» de Naomi Musenga, âgée de 22 ans, a été mise en examen pour «non-assistance à personne en danger», a précisé ce vendredi 12 janvier la procureure de la République de Strasbourg, Yolande Renzi.

Elle a été mise en examen «lors de son audition par la juge le 14 février 2023», a précisé l’avocat de la famille de Naomi Musenga, Me Jean-Christophe Coubris. Conseil de l’opératrice, Me Olivier Grimaldi n’a pas souhaité réagir.

Le magistrat qui instruit l’affaire, «estimant son instruction terminée, a communiqué le dossier au parquet» de Strasbourg qui a requis «le renvoi de [l’opératrice] devant le tribunal correctionnel […] en décembre», a ajouté Yolandi Renzi. Ces réquisitions ont été notifiées aux parties qui peuvent encore formuler des observations, selon la procureure. «Si le magistrat instructeur [les] suit, le tribunal sera saisi dès que possible de ce dossier».

«Soulagement»

La régulatrice n’est donc pas encore formellement renvoyée devant un tribunal et aucune date de procès n’est fixée. Mais «le réquisitoire […] permet d’espérer» un renvoi «assez» rapide, pourquoi pas d’ici la fin de l’année, selon Me Jean-Christophe Coubris. Cette mise en examen et ces réquisitions interviennent après des années d’instruction, une longueur qui a souvent désespéré les proches de la jeune femme. «La famille de Naomi attend depuis plus de six ans une audience», a repris le conseil bordelais. «Cette mise en examen a été source de soulagement», même si le «rythme» de la justice est «parfois mal apprécié ou mal compris par les familles».

Mère d’un enfant de 18 mois, Naomi Musenga est décédée le 29 décembre 2017 à l’hôpital de Strasbourg après avoir été prise en charge avec «un retard global de près de deux heures vingt», selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Son appel de détresse aux services de secours avait soulevé une énorme vague d’indignation nationale suite à la diffusion quelques mois après dans les médias et sur les réseaux sociaux des échanges avec l’opératrice du Samu.

«J’ai très mal au ventre», «Je vais mourir…», soufflait Naomi Musenga, peinant à s’exprimer. «Oui vous allez mourir, certainement un jour comme tout le monde», rétorquait, moqueuse, la régulatrice, qui avait été suspendue et ne travaille plus au CHU, selon Me Jean-Christophe Coubris. Naomi Musenga avait parlé successivement à la police, aux pompiers et au SAMU avant d’être redirigée vers SOS Médecins.

Le scandale avait poussé le patron du Samu de Strasbourg à démissionner. La ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn, avait mis en place une formation spécifique obligatoire d’un an pour les assistants de régulation médicale. Outre les faits de «non-assistance à personne en danger», l’information judiciaire ouverte en juillet 2018 par le parquet de Strasbourg incluait ceux présumés d’«homicide involontaire».

«Doute»

Ce dernier point a fait toutefois l’objet d’un réquisitoire de «non-lieu partiel», a regretté Me Jean-Christophe Coubris : l’autopsie du corps de Naomi Musenga a été réalisée trop tardivement et «il est impossible de déterminer la cause précise du décès». Une première expertise, combattue par la famille de Naomi Musenga, avait conclu à un décès consécutif à une «intoxication au paracétamol absorbé par automédication sur plusieurs jours». Mais une deuxième expertise avait réfuté ces conclusions, évoquant un accident vasculaire digestif ayant entraîné une hémorragie.

«J’ai demandé une troisième expertise qui a été refusée», a expliqué Me Jean-Christophe Coubris. Mais les experts saisis «ont tous la quasi-certitude que, quelle que soit l’heure à laquelle Naomi aurait été prise en charge, il était quasi improbable que l’on puisse la sauver». «Le doute existera toujours», «ce qui exclut toute possibilité de poursuite envers le corps médical pour défaut de prise en charge», a regretté le conseil, qui va toutefois lancer «prochainement» une action au civil contre le CHU de Strasbourg.