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Justice

Délinquance : les peines planchers instaurées sous Sarkozy ont un «faible effet dissuasif», selon une étude

La mesure emblématique de l’ancien Président de droite pour diminuer les récidives des délinquants n’a pas eu l’effet escompté, pointe l’Institut des politiques publiques dans une publication ce mardi 19 mars.
Dans la prison de Fleury-Merogis (Essonne), le 31 décembre 2023. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
publié le 19 mars 2024 à 8h43

La menace des «peines planchers» à l’encontre des délinquants récidivistes n’a eu aucun effet, ou presque. Cette mesure emblématique instaurée en août 2007 sous Nicolas Sarkozy a été passée au crible par l’Institut des politiques publiques (IPP), qui estime dans une étude publiée ce mardi 19 mars que la réforme n’a eu qu’un «faible effet dissuasif», contrairement à son but affiché à l’époque.

Dans les faits, cette loi finalement annulée en 2014 sous François Hollande s’est traduite par des peines en moyenne quasiment deux fois plus sévères pour les auteurs de délit en situation de récidive, c’est-à-dire ayant commis une deuxième fois le même délit. Mais son impact en termes de prévention de la délinquance a été limité, affirment les auteurs, les économistes Arnaud Philippe de l’Université de Bristol, au Royaume-Uni, et Aurélie Ouss du département de criminologie de l’Université de Pennsylvanie, aux Etats-Unis.

Ils ont noté un faible changement de comportement parmi les délinquants ayant déjà concrètement subi les effets de cette loi, mais pas chez ceux qui pouvaient potentiellement en craindre les effets. Autrement dit, la menace des «peines planchers» n’a pas eu l’effet escompté pour empêcher ceux qui avaient commis un premier délit d’en commettre un deuxième.

Seuls ceux qui en avaient déjà commis deux, et qui ont été sévèrement punis pour le deuxième grâce à la nouvelle loi, ont vu leur probabilité de commettre un troisième délit baisser de l’ordre de 12 %. Or les «deuxièmes ou troisièmes récidives» ne représentaient environ que 1,75 % des condamnations avant la réforme, ce qui explique «l’effet dissuasif d’assez faible ampleur» de cette loi, notent les auteurs.

Augmentation de la population carcérale

L’effet limité tient aussi au fait que les peines planchers ne s’appliquent qu’en cas de délit similaire (par exemple, un vol suivi d’un vol), et pas en cas de délit différent (un vol suivi de violences physiques). De fait, la loi semble n’avoir eu aucun effet pour empêcher les personnes condamnées de commettre des délits différents. «Il y a eu donc un apprentissage de la réforme : les personnes concernées ont diminué leur probabilité de recommencer le même délit, mais pas de faire n’importe quoi», analyse Arnaud Philippe.

Ainsi, la loi sur les peines planchers n’a eu que peu d’impact sur les chiffres de la délinquance, un «effet modeste» à «mettre au regard des coûts engendrés» par l’augmentation de la population carcérale qu’elle a provoquée, concluent les auteurs de l’étude.