Au lendemain d’une attaque au couteau dans un établissement privé de Nantes, au cours de laquelle une lycéenne a été tuée et trois autres ont été blessés par l’un de leurs camarades, le parcours et les motivations de l’assaillant commencent à se préciser. Après une moment d’hommage organisé au sein de l’établissement dans l’après-midi, le procureur de la République de Nantes, Antoine Leroy, a tenu une conférence de presse ce vendredi en fin de journée. Il a livré les premiers éléments de l’enquête. Libération fait le point.
En préambule de la conférence de presse, le procureur de Nantes a indiqué que l’assaillant «venait de fêter ses 16 ans». La lycéenne qu’il a tuée, elle, venait d’atteindre 15 ans. Les trois autres blessés sont deux garçons et une jeune fille : 15 ans pour les deux premiers, et 16 ans pour la lycéenne. Antoine Leroy précise par ailleurs que le suspect est entré dans l’établissement, au sein du collège Notre-Dame-de-Toutes-Aides, en 2021. Il a ensuite intégré le lycée du même groupe scolaire à la rentrée 2024.
Le déroulé de l’attaque
«Tout commence à 12 heures, retrace le procureur Antoine Leroy, lorsque le mis en cause se rend dans les toilettes à l’étage de l’établissement où il reste un certain nombre de minutes». L’assaillant va notamment y déposer son sac à dos, «dans lequel les policiers trouveront une réplique de pistolet dont il ne fera pas usage». Deux couteaux ont également été retrouvés : l’un avec une lame de 20 centimètres dont il a fait usage, et un autre «dont il ne s’est pas servi». Durant ces «quinze minutes» passées dans les sanitaires, l’assaillant «écrit quelques phases aux murs», «se scarifie» au niveau du front. Puis, à 12 h 15, toujours depuis les toilettes, il envoie par mail son manifeste nébuleux à tous les élèves scolarisés dans l’établissement.
Quelques instants plus tard, à 12 h 30, alors qu’il venait de quitter les toilettes, le jeune homme se rend dans une première classe de seconde où se déroule un cours de mathématiques. Il a alors «le visage découvert» et «reste sur le pas de la porte». Là, «il demande si l’un de ses camarades se trouve présent, le prof et les élèves répondent que non», explique le magistrat. L’adolescent fait alors demi-tour, retourne aux toilettes où il se masque le visage. «Tous les évènements qui vont suivre se feront à visage dissimulé. Il ne prononcera strictement aucune parole.» Il retourne alors dans la même classe de seconde, et s’en prend «immédiatement et exclusivement à une seule personne, qui sera la jeune fille qui décèdera des coups de couteau qu’il lui a donnés», devant l’ensemble des élèves et la professeur.
Le procureur, s’appuyant sur l’autopsie du corps de la victime, insiste sur la «violence de l’action» . «Le mis en cause a donné 57 coups de couteau au total, sur le haut du corps, sur le crâne et dans la gorge, les plus mortels étant ceux donnés dans la veine jugulaire et la carotide». Le magistrat indique que l’assaillant a frappé sa victime alors qu’elle était debout et a continué alors qu’elle était à terre. «Il a continué à s’acharner sur elle».
A lire aussi
Après avoir tué la lycéenne, le suspect se «rend dans la pièce d’en face». Alors, «sans distinction aucune», l’adolescent s’en prend «à trois étudiants les plus proches de lui». «Une première jeune fille prend quelques coups de couteau non-graves. La deuxième victime, un jeune homme, prend des coups de couteau un peu plus graves et la troisième victime, également un jeune homme, prend des coups de couteau encore plus graves sur la partie haute du corps, notamment un ou plusieurs sur le crâne», détaille le magistrat.
Selon le procureur, en entendant l’ensemble des hurlements à l’étage, «un technicien informatique est monté très vite». Il est alors arrivé dans la salle de classe, dans laquelle il a dénombré trois victimes. En entrant dans la pièce, ce responsable informatique «voit le mis en cause avec le couteau à la main». Il décide «de lui asséner un coup de chaise dans le dos, sur le crâne». Le jeune adolescent se retourne et tente de riposter, avant d’être pris en chasse par le technicien, qui finit par le bloquer dans une «sorte de sas» duquel il ne pouvait plus ressortir. S’engage alors «un dialogue rapide entre le personnel présent et le mis en cause, qui s’est alors calmé et a accepté de déposer le couteau et le petit canif».
Le profil de l’assaillant
Le procureur de Nantes, Antoine Leroy, a ensuite détaillé la personnalité du mis en cause en quatre points. «C’est un jeune décrit par tout le monde comme étant extrêmement solitaire», commence-t-il. «Il a peu d’ami, voire pas du tout, il a peu de dialogue avec grand monde.» Sa mère, chez qui il vivait principalement, s’était inquiétée de cette solitude et avait organisé une rencontre avec du personnel éducatif de la maison des adolescents de Nantes. «Ce jeune a eu des entretiens à six reprises avec des personnes susceptibles de l’aider», explique le magistrat.
Deuxième point mis en lumière : «Il résulte assez clairement dans cette personnalité une certaine fascination pour Hitler. Une fascination repérée par le personnel enseignant.» Il avait été convoqué à ce sujet à la veille des vacances de Pâques, avec sa mère, par la direction de l’école.
A lire aussi
Troisièmement, «il s’agit d’un jeune à l’évidence suicidaire», souligne Antoine Leroy. Un état révélé par plusieurs éléments factuels : il a notamment écrit au feutre sur les murs des toilettes - où il se trouvant avant le passage à l’acte - qu’il souhaitait «qu’on lui tranche la gorge». «Cette tendance suicidaire a aussi été relevée par le médecin qui l’a vu en garde à vue», note le magistrat qui précise que l’adolescent «va rejoindre une unité susceptible de traiter cette tendance suicidaire».
Enfin, le magistrat souligne que le mis en cause, dont les parents sont divorcés, vivait avec sa mère «avec qui il entretenait de très bonnes relations et qui a fait des démarches pour l’aider». Il avait «des relations moins fréquentes et plus difficiles avec son père».
Les mobiles
Le procureur de Nantes assure que les enquêteurs n’ont trouvé aucun mobile à cette attaque. En revanche, ils écartent plusieurs hypothèses, à commencer par le harcèlement scolaire. «Le jeune indique n’avoir fait l’objet d’aucun harcèlement, ni à l’école, ni ailleurs, rapporte Antoine Leroy. Il avait simplement parfois le sentiment qu’on le traitait de façon différente des autres.»
Le magistrat écarte également l’hypothèse d’une «potentielle relation affective» entre l’assaillant et la jeune fille tuée. «Le concept de déception amoureuse n’est pas le concept que [le suspect] avance lui-même, donc en l’état on ne peut pas parler de déception amoureuse», a précisé Antoine Leroy. Paradoxalement, rapporte le procureur, «c’était la seule personne de ce lycée avec laquelle il pouvait avoir un dialogue de qualité. Il l’appréciait. Il l’avait rencontrée lors d’un séjour scolaire à Rome il y a quelques temps». C’est la raison pour laquelle, selon Antoine Leroy, «lorsqu’il entre dans la pièce, il ne s’en prend pas à elle par hasard», contrairement aux trois autres victimes.