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Procès

Des militants d’extrême droite renvoyés aux assises pour l’homicide de l’ex-rugbyman argentin Aramburu

Trois suspects impliqués dans la mort du sportif, tué par balle à Paris en 2022, seront jugés pour assassinat, tentative d’assassinat et complicité, ordonne la cour d’appel de Paris le mardi 23 septembre.

Affiches à la mémoire du rugbyman Federico Martin Aramburu, à Paris le 16 mars 2024. (Alain Guilhot/Divergence)
Publié le 24/09/2025 à 12h17

Ils iront bien aux assises. Trois ans et demi après la mort l’ancien international de rugby argentin Federico Martin Aramburu, tué par balles en plein cœur de Paris en 2022, les principaux accusés, membres actifs de la mouvance d’extrême droite, sont définitivement renvoyés aux assises, a ordonné mardi 23 septembre la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.

Le principal suspect, Loïk Le Priol, 31 ans, ancien du Groupe Union Défense (GUD), mouvement néofasciste dissous en 2024, comparaîtra pour assassinat. Il est accusé d’être l’auteur du tir qui a atteint l’ancien sportif au dos, le blessant mortellement. Son camarade Romain Bouvier, 34 ans, est renvoyé pour tentative après avoir blessé Aramburu à la cuisse et au flanc. Les deux militants ont déjà été condamnés en 2022 à deux et trois ans, pour avoir torturé leur ancien ami et président du GUD en 2015. Ils étaient tous les deux sous contrôle judiciaire et avaient interdiction de se fréquenter au moment des faits. Présente au moment des faits, Lyson R., 28 ans, compagne de Loïk Le Priol, sera jugée pour complicité. Après plusieurs retournements, la justice a fini par considérer qu’il n’y avait pas un «dessein criminel commun» entre tous les accusés, qui aurait permis de tous les juger pour assassinat et complicité.

La cour d’appel s’était déjà prononcée en février, mais a dû revoir sa copie mardi, suite à des «contradictions» relevées dans son arrêt en juin par la Cour de cassation. Dans la même décision, les juges expliquaient que Loïk Le Priol devrait être jugé pour assassinat, avant de le renvoyer pour meurtre sans préméditation. De même, après avoir expliqué que Lyson R. devait être renvoyée pour complicité de tentative d’assassinat, ils avaient abandonné ensuite cette incrimination.

La défense maintient sa ligne

L’un des conseils des parties civiles, Maître Yann Le Bras, a estimé auprès de l’AFP que cette décision était «conforme à l’analyse objective des faits et leur extrême gravité». A ce stade, la cour d’appel n’a «fait que retenir des charges, et tout va se jouer à l’audience», objecte Maître Xavier Nogueras, avocat de Loïk le Priol, qui assure que la question de la préméditation s’effondrera aux assises, faute de preuve.

L’avocat de Romain Bouvier, déjà renvoyé aux assises depuis février, prend date du procès : «il est normal que Romain Bouvier ne réponde que de ses coups de feu». «Il n’y a eu aucune concertation, aucune chasse à l’homme, aucune motivation raciste. Et nous contesterons fermement la volonté homicide», a déclaré Maître Hugues Vigier à l’AFP.

La défense de Lyson R., accusée notamment d’avoir conduit Romain Bouvier dans sa voiture jusqu’à la victime, nie toujours son implication. Maître Florian Lastelle affirme que «la proclamation de [son] innocence est simplement retardée». «Nous avons hâte de nous défendre», poursuit-il.

«Pas un fait divers»

Le procès permettra de revenir sur le meurtre survenu dans la nuit du 18 au 19 mars 2022. Federico Martin Aramburu, 42 ans, 22 sélections avec l’Argentine, passe sa retraite sportive à Biarritz. Ce jour-là, il se trouve avec l’un de ses amis, le rugbyman Shaun Hegarty, dans un bar du boulevard Saint-Germain à Paris. Ils prévoient d’assister le soir même au match France-Angleterre au stade de France, à l’occasion du tournoi de rugby des Six nations.

En terrasse, une altercation éclate avec Loïk Le Priol et Romain Bouvier, relatée par le JDD dans un article paru le 17 avril 2022. Un sans-abri demande une cigarette aux deux militants d’extrême-droite, qui le rembarrent violemment, employant le terme «sous-homme». Choqués par ces propos, les rugbymen demandent un minimum de respect. Ils sont alors pris à partie en raison de leurs accents respectifs, l’un étant argentin, l’autre d’origines irlandaise, néo-zélandaise et basque. «On est chez nous. On fait ce qu’on veut. T’as pas à nous dire ce qu’on a à faire», aurait invectivé Loïk Priol. Les sportifs quittent finalement l’établissement à pied. Les deux hommes se lancent à leur poursuite et ouvrent le feu boulevard Saint-Germain dans deux endroits distincts : d’abord Romain Bouvier, arrivé dans la voiture conduite par Lyson R. ; puis Loïk Le Priol, qui patrouillait en courant dans le quartier pour retrouver les rugbymen. Ce sont les tirs de ce dernier qui blessent mortellement l’ex-Puma.

Signée par plus de 500 personnalités du monde du rugby, parmi lesquelles le capitaine de l’équipe de France Antoine Dupont ou le sélectionneur Fabien Galthié, une tribune publiée dans l’Equipe un mois après le drame avait soutenu que le rugbyman a été «assassiné parce qu’il s’est opposé à des idées extrémistes et fascistes. Non, la mort de Federico n’est pas un fait divers, une affaire de droit commun comme certains veulent le laisser entendre». Le procès est attendu pour le premier semestre de 2026.