Il n’y a pas d’âge pour être convoqué devant un tribunal correctionnel. Jean-Claude Gaudin, 82 ans, maire de Marseille entre 1995 et 2020, aura effectué mardi après-midi un tout petit tour sur le banc des prévenus – et encore, par visioconférence, son grand âge lui interdisant de se déplacer. Après une après-midi d’audience, le tribunal lui a finalement accordé une simple comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC, le plaider-coupable à la française) : l’ex-taulier de Marseille est donc condamné à six mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende. «On est très loin d’une peine symbolique», a toutefois tenu à préciser le représentant du Parquet national financier (PNF) à l’audience, partisan de cette CRPC.
Il y était quand même question de détournements de fonds publics, mais toutefois commis par simple «négligence», d’où une peine encourue d’une petite année de prison. Outre Jean-Claude Gaudin en personne, son ancienne garde rapprochée à la tête de Marseille (l’inamovible Claude Bertrand, directeur de cabinet, Jean-Claude Gondard, directeur des services, Henri Sogliuzzo et Yves Rusconi, directeurs des ressources humaines, Jean-Pierre Chanal, directeur général adjoint des services), en a également pris pour son grade.
Petit arrangement entre amis
Ce n’est pas le scandale du siècle, juste un très petit arrangement entre amis permettant d’arrondir les fins de mois de pas moins de 800 agents locaux, dont quelques édiles, caricature de mesquinerie sur le dos des contribuables marseillais. On n’est pas dans l’affaire des emplois fictifs de la marie de Paris, qui vaudra une condamnation symbolique de Jacques Chirac. Marseille, loin de vouloir singer la capitale, aura développé sa propre singularité locale : pas d’emplois fictifs, donc, mais de réels emplois surrémunérés, les heures supplémentaires gracieusement accordées allant jusqu’à presque doubler le salaire de base – 1 400 heures pour l’un d’entre eux, la durée légale du travail étant plafonnée à 1 607 heures par an.
Jean-Claude Gaudin n’a pas inventé le système, permettant d’acheter localement la paix sociale et fidéliser quelques affidés – certains fonctionnaires locaux travaillant à peine dix jours par mois, pour un salaire à temps plein. «Dès Gaston Defferre, un pacte fut passé avec un syndicat, via un recrutement très favorable. Son successeur a hérité de cette pratique clientéliste, dans une chronologie ancienne», admet le PNF. Mais il faudra «malheureusement attendre 2018 pour que le juge pénal n’intervienne», après une première irruption de la Chambre régionale des comptes. La nouvelle équipe municipale de gauche, en place depuis 2020, partie civile au procès, se contente de réclamer l’euro symbolique contre chacun des prévenus, histoire de tourner la page plus ou moins en douceur.
«Oui, j’ai été négligent»
De son domicile et face caméra au tribunal, Jean-Claude Gaudin a tenté de continuer à camper le taulier marseillais, «297 conseils municipaux» au compteur : «Je suis un homme politique, pas un fonctionnaire administratif. Oui, j’ai été négligent, je ne me suis pas assez intéressé au fonctionnement interne. J’assume, donc, puisque je dois tout supporter en tant que maire», a-t-il déclaré. Non sans avoir au préalable essayé de mouiller les différents préfets de la République locaux, «et j’en ai vu passer en trente-cinq ans», aucun n’ayant jamais osé briser l’omerta sociale locale, a-t-il rappelé. Sans toutefois cracher sur la tombe de Gaston Defferre.
La transaction pénale de la CRPC, acceptée par toutes les parties, a été homologuée en fin de journée par une juge unique. Affaire pénalement classée, donc. Historiquement ?