Le 12 décembre 2020 à Paris, des manifestants défilaient contre la loi sécurité globale, et particulièrement contre son article visant à interdire de filmer les membres des forces de l’ordre. Or, c’est notamment de telles images montrant l’intervention de policiers qui ont permis à la justice de faire la lumière sur la violente interpellation de Valentin B., qui participait à la manifestation et en prenait des photos.
Déployés ce jour-là au sein de la brigade de répression de l’action violente motorisée (Brav-M), le gardien de la paix Maxime Cartier et le major Lionel Corrette ont été reconnus coupables mercredi 19 février, par le tribunal correctionnel de Paris, de violences ayant entraîné une interruption temporaire de travail inférieure à huit jours, commises avec arme et par personne dépositaire de l’autorité publique. S’ils ont obtenu la non-inscription de la peine dans leur casier judiciaire, les deux agents sont condamnés à six mois de prison avec sursis – contre quatre requis par le parquet – et six mois d’interdiction de port d’arme.
«Décision rare»
Les policiers ont fait appel de cette décision, indique leur avocate, Me Anne-Laure Compoint. Lors de l’audience du 13 janvier, la défense avait fait valoir que les coups de matraque du gardien de la paix étaient «réglementaires», et que le tribunal n’avait «rien» concernant le major, qui a ordonné l’interpellation de Valentin B. mais n’y a ensuite pas pris part.
«La condamnation de policiers pour des violences volontaires en maintien de l’ordre est une décision suffisamment rare pour être soulignée, déclare de son côté Aïnoha Pascual, avocate de la victime. Ce qui est d’autant plus remarquable, c’est que le tribunal est allé au-delà des réquisitions du ministère public, qui étaient très mesurées. C’est un signal fort envoyé aux personnes qui font l’objet d’interpellations et de violences en manifestation au cours de ces interpellations.»
Deux policiers non identifiés
Au cours de la manifestation de 2020, entre charges policières et mouvements de foule, Valentin B., qui documente le mouvement social, perd son enregistreur sonore. En allant le récupérer par terre sur la chaussée, il se retrouve face à une Brav-M composée de policiers de la 21e compagnie d’intervention, sorte de CRS de la préfecture de police de Paris. Le jeune homme ressort de son interpellation avec plusieurs hématomes et une plaie suturable au nez. Il est placé en garde à vue. Cinq policiers (dont les deux finalement jugés) lui reprochent de les avoir outragés et de s’être rebellé. Mais Valentin B. est relaxé lors de son procès : les vidéos que lui et son avocat ont rassemblées démentent la version des fonctionnaires.
Ces images nourrissent aussi sa plainte contre les agents, et sont versées à l’enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). On y voit Valentin B., au sol et les mains en l’air pour préserver son appareil photo et son enregistreur, être frappé par plusieurs agents. Deux fonctionnaires commettant visiblement des violences contre Valentin B. n’ont toutefois pas été identifiés.