«La prochaine fois qu’on vient, tu ne monteras pas dans le car pour aller au commissariat, tu vas monter dans un autre truc qu’on appelle ambulance pour aller à l’hôpital.» Pour ce genre de propos, enregistrés, et pour des coups contre un manifestant, deux policiers de la décriée brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M) – qui intervient à moto lors de manifestations parisiennes - comparaissent ce jeudi 5 septembre devant le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour «violences par personne dépositaire de l’autorité publique» et «menaces de violences». Les faits remontent au 20 mars 2023, lorsque leur compagnie d’intervention interpelle un groupe de sept personnes dans le centre de la capitale en marge d’une manifestation spontanée contre l’adoption de la réforme des retraites.
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Lors de l’interpellation, un des manifestants enregistre discrètement les policiers. Dans ce document audio, transmis à la presse quelques jours plus tard, on entend les policiers tenir des propos injurieux et menacer notamment un étudiant tchadien, Souleyman A., seul homme noir du groupe. Deux bruits de gifles sont également audibles, avant que l’un des fonctionnaires lance : «Tu commences à bégayer ! T’en reveux peut-être une, que je te remette la mâchoire droite ?» A la fin de l’enregistrement, les policiers sont appelés sur une autre intervention. «T’as de la chance, dit l’un d’entre eux, on va se venger sur d’autres personnes.»
Le préfet de police applique des sanctions… mais paie les frais d’avocats des mis en cause
Tutoiement, humiliations, menaces, coups, réflexions sur l’origine de l’interpellé… les conditions de l’arrestation du jeune homme provoquent une vague d’indignation, après de nombreuses violences policières. En réponse, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez saisit l’inspection générale de la police nationale (IGPN). «Evidemment que ces propos sont inacceptables […], qui déontologiquement posent des problèmes très graves», déclarait-il dans l’émission C à vous sur France 5, ajoutant être «comme tout le monde, très choqué». Deux enquêtes sont ouvertes, l’une administrative, l’autre judiciaire. Dix policiers sont identifiés comme ayant été présent lors des faits.
Révélée par Libération, la synthèse de l’enquête administrative concluait : «La matérialité des faits, en l’espèce le coup porté par l’un des agents intervenants à l’égard d’une personne interpellée, et les propos menaçants et /ou injurieux prononcés par plusieurs fonctionnaires, justifient des suites disciplinaires, quand bien même leur intervention s’inscrivait dans un contexte particulier d’extrêmes violences, avec une charge mentale (sic) forte après plus de 13 heures de vacation.» L’IGPN, qui n’a pas de pouvoir de sanction, recommandait des avertissements pour quatre policiers et le renvoi en conseil de discipline pour trois autres. Sur les dix fonctionnaires, la plupart ont reconnu des propos «déplacés» ou «maladroits». Le parquet de Bobigny, lui, ordonne le renvoi de deux d’entre eux devant la justice.
Après avoir sanctionné les policiers au terme d’une enquête administrative, le préfet de police a décidé de soutenir les policiers dans la procédure judiciaire en payant leurs frais d’avocat, contre l’avis de ses services, révélait Libé en juin. Initialement prévu en mars, le procès des deux policiers, avait été renvoyé pour «communication de copie incomplète», notent nos confrères de France Info, qui ajoutent que le procès pourrait être de nouveau reporté, selon le parquet de Bobigny, «si le tribunal décide de joindre à cette affaire le cas d’autres policiers de la Brav-M également mis en cause».