Menu
Libération
Justice

Policiers suspendus, gardes à vue prolongées, IGPN saisie… Ce que l’on sait sur la plainte pour viol visant deux agents à Bobigny

Une femme qui était déférée au tribunal de Bobigny a dénoncé des viols de la part de deux agents de police, a-t-on appris jeudi 30 octobre. Les fonctionnaires ont été placés en garde à vue et, selon RTL et France Info, ils ont reconnu des relations sexuelles consenties.

Le tribunal de Bobigny (Saine-Saint-Denis), le 2 avril 2020. (Denis Allard/Libération)
Publié aujourd'hui à 9h53, mis à jour le 31/10/2025 à 14h54

Le ministre de l’Intérieur a mis en évidence des «agissements extraordinairement graves et inacceptables» s’ils étaient avérés. Deux fonctionnaires de police sont soupçonnés d’avoir violé une jeune femme au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis), dans la nuit de mardi à mercredi. Placés en garde à vue jeudi, tous les deux ont été suspendus de leurs fonctions. Ce vendredi 31 octobre, «les investigations se poursuivent», selon le parquet de Paris. Libé fait le point sur l’affaire.

Que sait-on de la victime ?

La victime est, selon une source proche du dossier, une jeune femme de 26 ans. Elle a dénoncé dans une plainte avoir été violée deux fois dans la nuit du mardi 28 au mercredi 29 octobre, par deux policiers, au dépôt du tribunal judiciaire de Bobigny (là où sont déférées les personnes dans l’attente de leur procès). Dans un communiqué publié jeudi, le procureur de Bobigny – son parquet s’est depuis dessaisi de l’affaire au profit du parquet de Paris – a indiqué que la victime y était déférée «des faits de soustraction par un parent à ses obligations légales, compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant».

Que sait-on des fonctionnaires mis en cause ?

Les deux agents sont, toujours d’après une source proche du dossier, deux hommes de 23 et 35 ans. D’après cette source, ils n’étaient «pas policiers depuis longtemps». Ils ont été placés en garde à vue jeudi matin et, d’après RTL et France Info, ont reconnu avoir eu des relations sexuelles avec la plaignante, mais affirment qu’elles étaient consenties. Contacté à ce sujet par Libé, le parquet de Paris n’a pas confirmé, indiquant ne pas communiquer «en cours de mesure sur le contenu des déclarations de personnes placées en garde à vue». La garde à vue des deux policiers a d’ailleurs été prolongée, a-t-on appris ce vendredi de source proche du dossier.

«A la suite de ce signalement, j’ai immédiatement suspendu de leurs fonctions les deux policiers affectés au dépôt du tribunal judiciaire de Bobigny», a annoncé jeudi sur X le nouveau préfet de police de Paris, Patrice Faure. «S’ils sont avérés, ces agissements sont extraordinairement graves et inacceptables», a de son côté réagi le ministre de l’Intérieur. «J’ai demandé que l’on fasse toute la lumière sur ces faits, afin de comprendre comment cela a pu se produire», a ajouté Laurent Nuñez.

Selon une deuxième source proche du dossier, les deux fonctionnaires ont de leur propre initiative écrit un rapport administratif pour exposer leurs versions des faits.

Où en est l’enquête ?

C’est l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la «police des polices», qui a été saisie de l’enquête ouverte pour viols par personnes abusant de l’autorité que lui confèrent leurs fonctions. Au-delà de l’enquête des bœuf-carottes, «une enquête administrative a également été initiée» par la préfecture de police (PP). Les investigations judiciaires sur la révélation de «faits d’une particulière gravité» devraient permettre de «déterminer l’implication de ces fonctionnaires», insiste la PP.

Le tribunal de Bobigny, qui est géographiquement compétent, s’est dessaisi au profit du parquet de Paris. «Les investigations se poursuivent», a indiqué ce dernier jeudi soir après l’annonce.

Que sait-on du dépôt de Bobigny ?

Il est l’antichambre d’un des tribunaux les plus importants de France – le deuxième après Paris. Situé au sous-sol du palais de justice, le dépôt de Bobigny est réputé perclus de problèmes d’organisation, d’effectifs ou encore de vétusté. D’après nos confrères du Parisien, des avocats évoquent des «difficultés récurrentes rencontrées avec les policiers du dépôt». Des travaux d’extension sont prochainement prévus au palais de justice de Bobigny. L’aménagement d’un nouveau dépôt est prévu.

Existe-t-il des précédents ?

Dans un communiqué ce vendredi, le syndicat des avocats de France a notamment dénoncé «les dysfonctionnements et la situation très dégradée au dépôt» du tribunal, en exigeant une réaction de la part de la direction et des autorités. Ce document fait état de deux dysfonctionnements.

«En mai 2024, les avocats de Bobigny apprenaient avec stupéfaction qu’un policier condamné notamment pour violences aggravées et faux en écriture publique n’ayant jamais été suspendu de ses fonctions ni par l’ordre judiciaire, ni par l’ordre administratif avait été affecté pour exercer… au dépôt de Bobigny», écrit le syndicat. Il rapporte également la mort «en pleine nuit» d’un homme déféré au parquet en décembre dernier. «Le parquet n’y a jamais apporté d’explication», affirment les avocats.

Dans un autre département de région parisienne, en Seine-et-Marne, un policier devrait être jugé au premier semestre 2026 pour viols sur une femme au sein même d’un commissariat. La plaignante est une femme de nationalité angolaise, sans papiers, qui avait rapporté avoir été violée, à deux reprises, par un gardien de la paix en 2023, au commissariat de Pontault-Combault. Cette dernière affaire avait été révélée dans nos colonnes, dans une série intitulée #MeToo Police. Notre enquête dévoilait que la femme qui accuse le policier de viols était allée porter plainte pour violences conjugales.

Mise à jour à 12 h 26 avec la prolongation de la garde à vue et à 14 h 50 avec le communiqué du SAF