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Fait divers

Disparition d’Emile : deux mois après, où en est l’enquête ?

Disparition du petit Émiledossier
Malgré les efforts déployés par les enquêteurs, aucune piste ne semble privilégiée deux mois après la disparition de l’enfant de 2 ans et demi dans la commune du Vernet, dans les Alpes-de-Haute-Provence.
La rue du Haut-Vernet où Emile a été vu pour la dernière fois. (Thibaut Durand/ABACA)
publié le 7 septembre 2023 à 15h35

Cela fait deux mois qu’Emile, 2 ans et demi, a disparu… et deux mois que les recherches dans le minuscule hameau du Vernet (Alpes-de-Hautes-Provence) sont vaines. Pourtant, les enquêteurs n’avaient pas lésiné sur les moyens. Dès la première semaine, les 97 hectares qui entourent le domicile des grands-parents avaient été ratissés, 30 maisons avaient été visitées, 25 habitants entendus et tous les véhicules inspectés. «Une des plus importantes opérations de ratissage judiciaire jamais conduite», selon le procureur de la République de Digne-les-Bains, Rémy Avon.

Alors qu’il était en vacances chez ses grands-parents, Emile a échappé à leur surveillance. Il a été aperçu pour la dernière fois à 17 h 15, samedi 8 juillet. Ce jour-là, «plusieurs autres membres de la famille sont également présents», mais aucun des deux parents, a précisé le parquet. «Le temps que la famille, les proches, les voisins procèdent aux premières vérifications, le premier appel à la gendarmerie intervient vers 18 heures», a détaillé Rémy Avon.

En quelques heures, la photo d’Emile, petit garçon blond, sourire aux lèvres et pissenlit sur l’oreille, inonde les médias et les réseaux sociaux. Des centaines de bénévoles, chasseurs, randonneurs et voisins s’émeuvent du sort de l’enfant et viennent prêter main-forte aux enquêteurs pour ratisser la zone. Jusqu’alors discrets, les parents du petit garçon, Marie et Colomban, ont décidé de sortir du silence en accordant une interview au magazine Famille Chrétienne, fin août. Après avoir salué l’élan de solidarité qui a suivi la disparition de l’enfant, le couple a tenu à rappeler sa «confiance face au travail des gendarmes chargés de l’enquête».

Où en est l’enquête ?

Depuis le 21 août, l’enquête a été élargie aux faits criminels d’«enlèvement, arrestation, détention, et séquestration arbitraire sur mineur de moins de quinze ans». Mais concrètement, cela ne change pas grand-chose, comme l’a rappelé Emmanuel Merlin, procureur-adjoint, à l’AFP, rappelant que cette décision «purement technique […] n’est pas liée à une évolution dans l’enquête». En vérité, «ce cadre procédural offre plus de souplesse» aux enquêteurs, selon le magistrat.

Le 18 juillet, dans l’espoir de sortir de l’impasse, le procureur de la République de Digne-les-Bains avait annoncé l’ouverture d’une information judiciaire, en raison de «la complexité de l’enquête». En confiant l’enquête à deux juges d’instructions du tribunal d’Aix-en-Provence, le magistrat souhaitait la faire entrer dans une seconde phase.

Quelles recherches ont été effectuées ?

Outre les battues citoyennes des premiers jours, des équipes cynophiles spécialisées dans la détection de restes humains avaient été déployées à la fin du mois de juillet. Pour scruter méticuleusement les 5 kilomètres qui entourent le domicile des grands-parents, des drones avaient également été envoyés en renfort.

Le mois de juillet avait aussi été celui du tri de la «masse considérable de données» recueillies. Avaient été passées au peigne fin les «1 600 lignes téléphoniques ayant borné dans le secteur au moment de la disparition», soulignait Rémy Avon. Toutes ces informations avaient été extraites de l’antenne téléphonique du Vernet ainsi que des six autres situées dans un rayon de 20 kilomètres.

Quelles sont les zones d’ombre ?

La disparition d’Emile comporte son lot d’incohérences. Plus particulièrement dans les déclarations des témoins. Selon Eve Chancel, journaliste au Parisien, deux témoins – un adolescent et un retraité – se contredisent. «Un aurait vu Emile descendre vers le cœur du village et l’autre monter vers là où les enfants ont leur cabane», avait indiqué la journaliste à BFMTV.

Recouper les informations est d’autant plus difficile que l’affaire a suscité un intense engouement médiatique. Résultat, les enquêteurs ont été submergés d’informations plus ou moins fiables de prétendus témoins ou de voyants prétendant savoir où se trouvait l’enfant. Le numéro rendu public suite à l’appel à témoins avait recueilli quelque 1 400 signalements en une semaine seulement.

Quelles pistes sont sur la table ?

Enlèvement, attaque d’animal, accident avec un engin agricole, drame au sein de la famille… Depuis deux mois, toutes sortes de théories, plus ou moins scabreuses, ont vu le jour. L’une des premières évoquées après la disparition d’Emile, celle d’une chute mortelle, s’était peu à peu étiolée : aucun corps n’a été trouvé lors des battues et aucune piste n’a été détectée par les chiens dans la zone.

Etait ensuite venue celle sur l’enlèvement par un oiseau. Lors des recherches en compagnie des équipes cynophiles, les chiens Saint-Hubert se seraient soudainement arrêtés à 50 mètres de la maison des grands-parents. Comme si l’enfant s’était volatilisé. L’idée avait rapidement été démontée par des fauconniers, rappelant qu’un rapace serait bien incapable de soulever un petit garçon de deux ans et demi.

Celle d’un accident sur la route du village et d’une fuite avec le corps avait également retenu l’attention des enquêteurs. Selon le Parisien, un fils d’agriculteur du coin aurait même intéressé les gendarmes pendant quelques jours : impliqué dans deux accidents et connu pour rouler vite en tracteur, le jeune aurait été interrogé plusieurs fois depuis la disparition d’Emile, avant d’être mis hors de cause.

Enfin, reste l’hypothèse d’un drame au domicile des grands-parents, immédiatement balayée par la mère du petit garçon dans son entretien à Famille Chrétienne. «Certains journalistes ont cru dévoiler que nous avions caché une réunion de famille chez mes parents ce week-end-là. Alors qu’il s’agit simplement de mes frères et sœurs qui habitent encore chez mes parents. Cela a suggéré chez certains un sordide drame familial», déplorait-elle.