Dix-sept longues années de combat judiciaire laissent de nombreux souvenirs. Ceux, enthousiasmants, lorsque les juges progressent et tiennent une piste crédible. Ceux, désespérants, lorsque l’armée tient sa promesse de grande muette et ne lâche rien. Ce vendredi, les familles des disparus du chalutier Bugaled Breizh vont expérimenter une nouvelle aventure : munis d’un numéro de téléphone britannique et d’un code d’accès secret, ils pourront suivre l’audience devant la Haute Cour criminelle de Londres, appelée Old Bailey outre-Manche. Après dix ans de joutes hexagonales, c’est en effet devant la justice anglaise que se poursuit la douloureuse quête de vérité.
Le 15 janvier 2004, le Bugaled Breizh sombrait par 49°42′N-5°10′W au large du cap Lizard. Englouti par la Manche en 37 secondes, il ne laissait aucune chance de survie aux cinq marins embarqués à bord. Un naufrage tellement rapide qu’il ne peut décemment être imputé à un accident de pêche. Durant l’instruction française, dont le non-lieu a été validé par la Cour de cassation en 2016, deux juges quimpérois étaient arrivés à cette conclusion : «Seule l’intervention d’un sous-marin permet de donner une explication cohérente avec les éléments du dossier, mais la poursuite des investigations pour connaître la position des SNA [sous-marin nucléaire d’attaque] paraît illusoire.» Illusoire, les juges ont vu juste. Car treize ans après ces écrits, aucune des marines nationales potentiellem