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Justice

«Dysfonctionnements énormes», «produits périmés» : une filiale de l’ex-Korian mise en examen pour la mort d’un résident en Ehpad en 2019

Medotels a été mis en examen le 17 juin après la mort d’un résident de 87 ans, Léon A., hébergé dans l’Ehpad Korian Jardins d’Alésia à Paris,
Medotels a été mis en examen le 17 juin après la mort d’un résident de 87 ans, Léon A., hébergé dans l’Ehpad Korian Jardins d’Alésia à Paris, (Sébastien Bozon/AFP)
publié le 25 juillet 2025 à 20h10

Une filiale du groupe Clariane (ex-Korian) chapeautant des Ehpad dans toute la France, a été mise en examen à Paris mi-juin pour homicide involontaire après la mort d’un résident en octobre 2019 dans un établissement parisien, a appris l’AFP ce vendredi de sources proches du dossier. La victime, un résident de 87 ans, Léon A., était hébergée dans l’Ehpad Korian Jardins d’Alésia à Paris. La structure est également accusée de mise en danger d’autrui et pratiques commerciales trompeuses.

Selon des éléments de l’interrogatoire d’une responsable dont l’AFP a eu connaissance, les manquements imputés à son Ehpad auraient causé une dénutrition sévère de cet octogénaire, une mauvaise administration de ses médicaments, un suivi insuffisant de ses troubles respiratoires, ce qui aurait mené à son hospitalisation en urgence onze jours après son entrée, puis à son décès.

«Rangement des médicaments aléatoire»

Le groupe se voit aussi reprocher d’avoir accueilli sans autorisation des résidents temporaires dans cet établissement du sud de Paris et d’avoir failli en termes d’encadrement médical de l’équipe soignante.

Entendu dans cette information judiciaire ouverte après une plainte avec constitution de partie civile de la veuve déposée en septembre 2020, le médecin coordonnateur officiant juste avant l’arrivée de Léon A. a évoqué des «dysfonctionnements énormes» au sein de l’Ehpad.

Il a relaté «un rangement des médicaments aléatoire», «des produits périmés», «des absences répétées par épuisement», mais aussi «12 décès en à peine deux mois, des chutes non déclarées, des soins non faits» ce qui aurait engendré des hospitalisations. «Professionnellement, je me sentais en danger et humainement, je ne pouvais plus cautionner quoi que ce soit», a ajouté le médecin, qui était en arrêt maladie un mois avant les faits.

La responsable de l’Ehpad n’a pas souhaité commenter dans le détail ces assertions, répliquant toutefois que «c’est la mission du médecin coordonnateur d’assurer la qualité des soins sur un établissement». Au moins deux infirmiers ont attesté de problèmes de suivi des patients dans l’établissement.

Medotels pas responsable selon son avocate

D’après des documents versés à l’enquête cités par le juge d’instruction, il n’y avait pas de «médecin coordonnateur sur l’entier séjour» de Léon A. Il n’y avait «aucune obligation» d’en avoir, s’est défendue la responsable, évoquant une organisation aujourd’hui «différente».

«Medotels est totalement en empathie avec la douleur de la famille mais il est clair pour nous qu’il n’y a pas de responsabilité pénale. On verra ce qu’il en sera à l’issue de cette information judiciaire», a indiqué Me Emmanuel Daoud, avocat de la société. L’avocat de la veuve, Me Fabien Arakelian, n’a pas souhaité s’exprimer.

Le secteur des Ehpad, dont Clariane est l’un des deux grands groupes privés, a été touché ces dernières années par des difficultés, dans le sillage du scandale déclenché par la parution en 2022 du livre-enquête Les Fossoyeurs.

Le journaliste Victor Castanet, qui s’est penché principalement sur le rival de Clariane, Orpea, y dénonçait des maltraitances des résidents, un usage abusif des fonds publics et des manquements dans la gestion de ses personnels. Depuis, le groupe et d’anciens dirigeants font l’objet d’enquêtes.