Revirement ou erreur de communication ? La petite phrase d’Emmanuel Macron sur son intention d’inscrire dans le droit français la notion de consentement en matière de viol, dans un échange filmé avec l’association féministe Choisir la cause des femmes, en a étonné plus d’une. «Je suis assez surprise, réagit ainsi auprès de Libération Catherine Le Magueresse, autrice du livre les Pièges du consentement aux Editions iXe. Emmanuel Macron ne s’est jamais déclaré favorable à un changement de la loi. Quant à son ministre de la Justice, il y était hostile.»
Pourtant, le président de la République, interrogé le 8 mars sur cette question par Violaine Lucas, la présidente de l’association fondée par Gisèle Halimi, en marge de la Journée internationale des droits des femmes, a bel et bien répondu : «Je vais l’inscrire dans le droit français.» «Qu’on l’intègre dans le droit français, que le consentement puisse être inscrit, ça, je l’entends tout à fait», a-t-il ajouté dans cet échange diffusé sur Instagram.
Le chef de l’Etat, interrogé ce mercredi 13 mars, n’a pas souhaité faire de commentaire sur ses déclarations. Peut-être parce que sa position rompt avec les réserves émises début février par son ministre de la Justice ? Eric Dupond-Moretti avait alors mis en garde contre le risque de «glissement vers une contractualisation des relations sexuelles», appelant à la prudence sur le sujet. L’entourage du garde des Sceaux a fait savoir ce mercredi qu’il était «ouvert à la réflexion», mais que son rôle était «de prévenir des risques notamment de l’inversion de la charge de la preuve» et «de s’assurer qu’il y ait des garde-fous».
Un effet d’annonce à quelques mois des européennes ?
A l’heure actuelle, l’article 222-23 du code pénal définit le viol comme «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise». La notion de consentement, qui a refait surface dans les années 2010 avec l’onde de choc #MeToo, n’y est pas mentionnée explicitement, et des voix s’élèvent depuis plusieurs mois pour revoir cette définition. Une proposition de loi en ce sens a notamment été déposée à l’automne par la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. La question fait également l’objet d’une mission d’information parlementaire, qui devrait rendre ses conclusions mi-avril.
Tribune
L’annonce d’Emmanuel Macron, «c’est une bonne nouvelle pour les droits des femmes», a réagi la députée écologiste Marie-Charlotte Garin, corapporteure de cette mission avec Véronique Riotton (Renaissance). La députée a rappelé que l’idée n’était pas «de supprimer les quatre autres critères que sont la menace, la violence, la contrainte ou la surprise, mais de venir compléter la définition». Même satisfaction au sein de la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes, qui a salué «une excellente nouvelle». La doctoresse et chercheuse associée à l’Institut des Sciences Juridique et Philosophique de la Sorbonne Catherine Le Magueresse, elle, reste prudente : «Cette déclaration est peut-être un effet d’annonce à quelques semaines des élections européennes ou alors une véritable volonté politique de conduire ce changement. J’attends de voir le texte.»
La France s’est également démarquée ces derniers mois d’autres pays européens lors des discussions à Bruxelles sur la première directive européenne portant sur les violences faites aux femmes, en s’opposant à une définition européenne du viol fondée sur l’absence de consentement. Paris estimait notamment que le viol n’avait pas la dimension transfrontalière nécessaire pour être considéré comme un «eurocrime» et ne devait donc pas être intégré dans cette directive.
Plusieurs pays européens ont fait évoluer ces dernières années leur définition du viol comme étant une atteinte sexuelle sans consentement explicite. En Suède, une loi sur le consentement sexuel, qui considère comme viol tout acte sexuel sans accord explicite, même en l’absence de menace ou de violence, est en vigueur depuis 2018. En Espagne, une loi – surnommée «Seul un oui est un oui» – a introduit depuis octobre 2022 l’obligation d’un consentement sexuel explicite.