L’histoire a semblé bégayer quand, ce 20 décembre 2024, un convoi de gendarmerie a traversé «le pays», moteur hurlant, direction la ferme autogérée de Treynas. Un homme menotté est extrait d’un des véhicules, des chiens renifleurs fouillent les granges et les maisons de pierre sombre. Ils cherchent des armes, des explosifs, de la drogue, des faux billets. Ils ne débusqueront qu’une vieille Winchester calibre 30-30, celle avec laquelle Manuel Merlhiot a abattu sept chiens de chasse qui assaillaient ses cochons, affaire qui enflamme depuis les vallées froides du nord de l’Ardèche.
Quarante-six ans plus tôt, un même convoi de gendarmes avait fondu sur le hameau. Les deux histoires sont incomparables, mais fantômes et racontars alimentent la queue des boulangeries de villages. A l’époque, les forces de l’ordre traquaient Pierre Conty, fondateur d’une communauté post-soixante-huitarde lovée dans le hameau, alors en proie à l’abandon. Des néoruraux ont afflué dans son sillage, souvent venus de la bourgeoisie parisienne, créant un de ces phalanstères ardéchois du retour à la terre. Charismatique, issu, lui, du monde ouvrier, Conty était leur sherpa idéologique. Eleveur de chèvres assidu le jour, débatteur fiévreux la nuit. L’aventure a ainsi prospéré, non sans heurts avec les «natifs», peu friands de ces «hippies» qui repensaient le monde.
Mais le 24 août 1977, le bruit des armes déchire une première fois «le pays». Acculés par des menaces d’expropriation de parcelles occupées