Dix jours après la visite d’Emmanuel Macron qui a proposé à l’île une «autonomie dans la République», la Corse a subi une nouvelle «nuit bleue», une première depuis quatre ans. Une vingtaine de bâtiments à travers l’île a été touchée par des explosions dans la nuit du dimanche 8 au lundi 9 octobre. Le Front de libération nationale corse (FLNC) a revendiqué «la série d’actions de la nuit» dans un communiqué ce lundi midi, qui comprend une seule phrase : «Nous n’avons pas de destin commun avec la France», d’après Corse Matin. Le court texte se termine par «Francia Fora» («La France dehors»).
La vingtaine de détonations a été quasi simultanée. En Corse-du-Sud, une «dizaine d’attentats» ont été recensés par le parquet d’Ajaccio, touchant des résidences secondaires et un ancien centre des impôts désaffecté à Ajaccio. En Haute-Corse, une douzaine de faits ont été recensés, touchant des maisons en construction, une résidence secondaire et un lotissement partiellement occupé.
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D’après les premières analyses, «les dégradations par incendie et explosions auraient été commises par l’utilisation de différents procédés : de l’explosif, des bonbonnes de gaz et du nitrate, parfois ces différents procédés étant associés», a précisé ce lundi le procureur de la République d’Ajaccio, Nicolas Septe, dans un communiqué. Il s’agit de «dispositifs artisanaux», a ajouté François Thévenot, procureur de la République par intérim de Bastia.
Les déflagrations n’ont pas fait de blessé grave, mais un homme de 57 ans et une femme de 54 ans en état de choc ont été transférés à l’hôpital d’Ajaccio, d’après Corse Matin.
Le parquet national antiterroriste a annoncé se saisir des faits lundi après-midi. L’enquête a été ouverte notamment pour participation à une association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d’une destruction par substances explosives ou incendiaires susceptible d’entraîner la mort et d’un acte de terrorisme, destruction par moyen dangereux pour les personnes en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste ainsi que tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, a détaillé l’instance.
«Reconnaissance des droits du peuple corse sur sa terre»
Cette «nouvelle nuit bleue» évoquée par une source proche du dossier intervient une dizaine de jours après la venue du président de la République qui a proposé à la Corse «une autonomie dans la République», tout en prévenant que ce «moment historique» ne se fera pas «sans» ou «contre» l’Etat français.
Cela fait près de deux ans que la Corse connaît une recrudescence de ce genre d’événements, visant principalement des résidences secondaires et souvent accompagnés de tags nationalistes. Le Front de libération nationale corse (FLNC) avait revendiqué certaines de ces explosions, d’autres l’avaient été par Ghjuventù Clandestina Corsa (GCC), un mouvement clandestin de jeunesse corse.
Dans un communiqué de revendication début août, le FLNC appelait ainsi à la création d’une «plateforme de résistance patriotique» face à «une colonisation de peuplement disproportionnée» et un «processus de destruction du peuple corse». «Aucun accord entre la Corse et la France ne pourra être qualifié d’historique tant qu’il n’entérinera pas la reconnaissance des droits du peuple corse sur sa terre», poursuivait le texte. Le groupe clandestin visait également «les Corses complices», qui «devront rendre des comptes» pour «avoir vendu leur terre et donc leur âme, aux plus offrants».
Billet
Selon une source judiciaire en août, 50 enquêtes «en lien avec des incendies criminels ou faits de destruction de diverses natures» ont été ouvertes par le parquet national antiterroriste depuis le début de l’année, contre 22 en 2022, trois en 2021 et quatre en 2020. Au même moment, le pôle antiterroriste du Tribunal de Paris était chargé de 14 informations judiciaires en lien avec le terrorisme corse.
La dernière «nuit bleue» de ce genre avait eu lieu entre le 9 et le 10 mars 2019. Des incendies ou explosions avaient alors gravement endommagé sept habitations en Corse-du-Sud et en Haute-Corse. Malgré l’absence de revendication, la procureure avait jugé «la dimension terroriste» des faits «pleinement caractérisée» . Les deux principaux prévenus dans cette affaire avaient été condamnés à six ans de prison ferme en avril 2022 par le tribunal judiciaire de Paris.
Mise à jour : à 16 h 02, avec l’ajout du parquet national antiterroriste qui se saisit des faits.