En résumé :
- Un jeune homme de 17 ans, Nahel, est mort mardi 27 juin à Nanterre, après un tir d’un policier lors d’un contrôle routier. La nuit qui a suivi a été marquée par de vives tensions dans plusieurs villes de la banlieue parisienne, qui ont abouti à 31 interpellations. La garde à vue du policier, enclenchée mardi, a été prolongée ce mercredi midi.
- Pour Emmanuel Macron, cette mort est «inexplicable» et «inexcusable». «La justice doit passer. Rien ne justifie la mort d’un jeune», a-t-il ajouté depuis Marseille ce mercredi matin. Elisabeth Borne a quant à elle évoqué «une intervention qui ne semble manifestement pas conforme aux règles d’engagement de nos forces de l’ordre».
- Dans une vidéo publiée sur TikTok, la mère de Nahel donne rendez-vous jeudi 29 juin à 14 heures devant la préfecture de Nanterre, pour une «marche blanche». «C’est une révolte pour mon fils», clame-t-elle. Le maire de Nanterre, Patrick Jarry, a annoncé y participer.
Aulnay-sous-Bois, Nanterre et Villeneuve-la-Garenne sous surveillance. La préfecture de police a annoncé avoir pris un arrêté autorisant «la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de drones». Le décret court, alors que les services de renseignements craignent une nuit particulièrement agitée, jusqu’à 6 heures, jeudi 29 juin.
A Nanterre, les stigmates de la veille, mais pas d’échauffourées. Pas un chat ce soir devant le commissariat de Nanterre. Si ce n’est quelques journalistes qui alimentent les plateaux de télévision. Plus loin, devant la préfecture, une jeune fille tente d’éteindre un discret départ de feu avec une barquette en plastique remplie d’eau, sous le regard inquiet d’un viel homme guidant ses gestes à distance. Au même moment, une vingtaine de camions de CRS viennent se placer tout autour de la préfecture, en prévision d’éventuelles nouvelles échauffourées. La veille, le secteur s’est enflammé dès la nuit tombée, après la mort du jeune Nahel, tué par un policier mardi matin. La soirée a laissé des traces. Eclats de verre, tas de déchets cramés et goudron fondu viennent se mélanger à des restes de grenades lacrymogènes lancées par les forces de l’ordre. Par nos journalistes Juliette Delage et Ludovic Séré
Des heurts à Toulouse et Lille. Dans le quartier du Mirail à Toulouse, une centaine d’individus a jeté des projectiles sur les forces de l’ordre en début de soirée et un véhicule léger a été incendié, selon une source policière. A Lille, une centaine de manifestants s’est également rassemblée devant la préfecture contre «les crimes de la police». Une action de «caillassage» était aussi en cours vers 20 heures, selon une source policière qui a déploré «un véhicule brûlé». Du côté de Nantes, une centaine de personnes s’est réunie vers 18 heures devant le commissariat central aux cris de «Justice pour Nahel».
A Nanterre après la mort de Nahel : «On dirait que nos villes ont moins d’importance que d’autres». De cette mort «inexplicable» et «inexcusable», selon les mots du président Emmanuel Macron, personne ne semble avoir envie de parler ici. Trop de douleur à vif, de désolement et de colère accumulés. Place Nelson-Mandela, à l’endroit où sa Mercedes AMG jaune canari est venue s’encastrer, rien n’accroche le regard. Si ce n’est quelques journalistes désœuvrés, patientant entre deux duplex et ces bouquets de fleurs laissés à la mémoire du jeune homme, originaire du quartier du Vieux-Pont. «Paix à Nahel. Que la terre te soit légère.» Lire la suite de notre reportage.
Les autorités redoutent une nouvelle nuit de violences. Les autorités appellent au calme ce mercredi et annoncent une mobilisation «renforcée» des forces de l’ordre pour éviter une deuxième nuit de violences urbaines, notamment à Nanterre, où Nahel, 17 ans, a été tué par un policier après un refus d’obtempérer. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a ainsi annoncé la mobilisation de 2 000 policiers et gendarmes à Paris et dans sa petite couronne pour la soirée de mercredi, 800 de plus que la nuit passée. «La mobilisation des forces de l’ordre sera renforcée partout dans le département» des Hauts-de-Seine, a également fait savoir le préfet, Laurent Hottiaux, appelant à l’«apaisement» et à un «retour au calme». Les services de renseignement s’attendent «à une réaction très importante dans les quartiers sensibles avec une probable dégradation de la situation», avec «des prises à partie des forces de l’ordre sur leurs interventions», apprend-on de source policière.
A République : «Avant de commencer, une pensée pour Nahel», commence un speaker juché sur une camionnette, place de la République. 19 h 15. Une de ses collègues des Soulèvements de la Terre embraye, dénonçant les violences policières sous les applaudissements de plusieurs centaines de personnes en contrebas. Parmi eux, clope au bec, un membre des SLT distribue des pancartes à Isabelle et Sophie. Une en soutien à Nahel, l’autre contre la dissolution des SLT. «On est venues parce qu’on est choqués de ce qu’il s’est passé à Sainte-Soline. Et puis, Nahel hier (soupires), c’est un triste ensemble cohérent», confie Sophie. Dans la foule, nombreux sont ceux qui se sont d’abord déplacés pour soutenir la lutte écologique. «Nahel ? C’est quoi ça ?, demande innocemment Dominique. Nous, c’est les Soulèvements.» Par notre journaliste Alexis Pfeiffer.
Le parquet de Nanterre évoque l’ouverture d’une information judiciaire dès demain. Dans un communiqué, le parquet de Nanterre «indique que la garde à vue du policier soupçonné d’avoir tiré sur un mineur de 17 ans dans le cadre d’un contrôle de police faisant suite à un refus d’obtempérer, a été prolongée ce matin et se poursuit cette nuit pour permettre la suite des investigations réalisées par l’IGPN, dans la perspective d’une ouverture d’information judiciaire envisagée demain.»
La convergence des luttes place de la République ? À une cinquantaine de minutes du rendez-vous fixé par les Soulèvements de la terre (SLT) ce mercredi soir place de la République, à Paris, une vingtaine de personnes préparent des pancartes - «On ne dissout pas un soulèvement», «La répression ne nous étouffera pas» - aux abords de la fontaine centrale. «Ce rassemblement, c’est l’occasion de témoigner notre inquiétude vis-à-vis de la dérive autoritaire des policiers», s’exclame, entre deux collages, Narra, membre de l’organisation. Le rassemblement a pris une nouvelle dimension avec la mort de Nahel. En plus de l’opposition à la dissolution du mouvement écologiste et la dénonciation des gardes à vues abusives des militants, s’ajoute désormais le soutien à l’adolescent abattu par un policier mardi. «La violence policière ne concerne pas que nous. On est solidaires», abonde Flower (pseudonyme), une poignée de tracts «Justice pour Nahel» dans les mains. Par notre journaliste Alexis Pfeiffer
Le maire de Colombes appelle au calme tout en déplorant «les dysfonctionnements dans la doctrine du refus d’obtempérer». Lui aussi a connu une nuit mouvementée, même s’il assure qu’«aucun dégât majeur n’est à déplorer» dans sa ville. Le maire (EE-LV) de Colombes, Patrick Chaimovitch, appelle «chacun et chacune à garder son calme dans le respect du deuil de la famille et du cours de la justice». L’élu relève toutefois que «des faits divers comme celui qui est survenu (mardi) aboutissant à la mort d’un adolescent arrivent trop souvent et son symptomatiques des dysfonctionnements dans la doctrine du refus d’obtempérer qui a entraîné la mort de 12 personnes pour la seule année 2022».
🔵 Communiqué | Mort du jeune Naël à #Nanterre : Patrick CHAIMOVITCH, maire de #Colombes appelle au calme.
— Ville de Colombes (@VilleColombes) June 28, 2023
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Mort de Nahel : l’ambulancier en colère contre la police a été placé en garde à vue. Selon la préfecture des Hauts-de-Seine, une plainte a été déposée suite au puissant cri d’indignation de l’ambulancier qui est intervenu en marge de la mort du jeune Nahel, à Nanterre. Une scène qui avait été filmée et diffusée sur les réseaux. Notre article.
Patrick Kanner plaide pour les caméras-piétons. Appelant à «ne pas mettre de l’huile sur le feu» pour éviter des «phénomènes comme en 2005», le socialiste président du principal groupe de gauche au Sénat, a appelé ce mercredi après-midi sur Public Sénat le gouvernement à apporter une «réponse d’apaisement». Mais pour l’ex-ministre de la Ville de François Hollande, «la vraie question, sur laquelle j’ai interpellé la Première ministre Elisabeth Borne et je n’ai pas eu de réponse, c’est : ‘’Comment ?»». Évoquant d’abord «la manière dont les armes sont utilisées par la police» et la «formation tout au long de la carrière du policier», Kanner a surtout appuyé sur «le développement des caméras-piétons». Selon lui, «il faut faire comme aux Etats-Unis : dès qu’il y a une intervention, le policier active sa caméra».
Nahel tué par un policier à Nanterre : un adolescent «apprécié de tout le monde». Le livreur de 17 ans, tué mardi 27 juin par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre, vivait seul avec sa mère dans les Hauts-de-Seine. Celles et ceux qui connaissaient l’adolescent décrivent un garçon «très, très gentil», «apprécié de tout le monde», selon l’un des avocats de la famille, Abdelmadjid Benamara. Son profil.
Pour Marine Le Pen, Emmanuel Macron a eu des propos «irresponsables». Marine Le Pen a estimé ce mercredi après-midi qu’Emmanuel Macron avait eu des propos «très excessifs» et «irresponsables», après que le président de la République avait jugé «inexplicable» et «inexcusable» la mort de Nahel, tué par un policier à bout portant mardi à Nanterre. «Est-ce que l’acte est inexcusable ? Est-ce qu’il est inexplicable ? C’est à la justice de répondre», a fait valoir la candidate malheureuse à la présidentielle, alors qu’Emmanuel Macron avait-lui même demandé à ce «que justice passe». «Le président est prêt à oublier les principes constitutionnels pour tenter d’éteindre un potentiel incendie», estime encore la patronne des députés RN.
Une minute de silence à l’Assemblée nationale pour Nahel. Les députés et membres du gouvernement présents dans l’hémicycle ce mercredi après-midi ont observé une minute de silence, en hommage à l’adolescent de 17 ans tué par un tir de police la veille. «Le décès du jeune Nahel, âgé de 17 ans, survenu hier à Nanterre suscite une forte émotion dans le pays. Il conviendra de faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame», a déclaré la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet, en invitant à cette minute de silence «en mémoire de Nahel, en soutien à ses parents, et à ses proches».
Mort de Naël à Nanterre : À l'invitation de @YaelBRAUNPIVET, les députés respectent une minute de silence "en mémoire de Naël, en soutien à ses parents et à ses proches".#DirectAN #Nanterre pic.twitter.com/sdBZoJMMN7
— LCP (@LCP) June 28, 2023
Les propositions de LFI à la suite du drame. Le groupe parlementaire de la France insoumise a réagi au tir mortel sur Nahel en demandant dans un communiqué «la suspension immédiate de l’auteur du tir et des policiers qui ont menti pour couvrir son acte», «des sanctions administratives et judiciaires exemplaires», «la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur les refus d’obtempérer», «l’annulation de la modification de l’article 435-1 du Code de Sécurité Intérieure», ainsi que «la dissolution du syndicat France Police qui a pris position officiellement pour saluer cet acte inqualifiable». A plus long terme, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon souhaite «une réforme en profondeur du fonctionnement de la police nationale, qui doit être une police républicaine mieux formée, débarrassée de l’arbitraire et du racisme, dotée d’une instance de contrôle indépendante».
Tirs mortels : ces fois où les sources policières ont menti à la presse. Comme dans l’affaire Nahel, les syndicats policiers occupent souvent le terrain après une situation de tir mortel des forces de l’ordre, afin de mettre en avant la théorie de la légitime défense. Des versions parfois infirmées par des images, ou plus tard, lors des enquêtes. Notre Checknews.
Le syndicat Alliance irrité par les propos d’Emmanuel Macron. Le syndicat policier Alliance s’est fendu d’un communiqué en réaction aux propos d’Emmanuel Macron, qui qualifie le tir ayant tué Nahel d’«inexplicable» et «inexcusable». «A travers des propos comme «inexplicable, inexcusable», contraires à ses déclarations comme quoi il soutient la police, il est inconcevable que le président de la République […] bafoue la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice en condamnant nos collègues avant même que celle-ci ne se prononce», écrit la première organisation syndicale policière, classée très à droite. «Le temps de l’enquête n’est pas celui de l’émotion», insiste le syndicat connu pour sa défense inconditionnelle des policiers.
Pour Elisabeth Borne, l’intervention policière à Nanterre n’était «manifestement pas conforme aux règles». Interpellée au Sénat, la Première ministre a considéré que le «terrible drame» de la mort du jeune Nahel était survenu à la suite d’«une intervention qui ne semble manifestement pas conforme aux règles d’engagement de nos forces de l’ordre». «Je souhaite comme chacun que la vérité soit faite le plus rapidement possible», a-t-elle ajouté, après avoir adressé ses «condoléances à la famille, aux proches et au quartier» de l’adolescent.
Gérald Darmanin saisit la justice après un tweet du syndicat policier de Bruno Attal faisant l’apologie de la violence. Dans un communiqué, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin annonce saisir le procureur de Paris après la publication d’«un tweet inacceptable et abject» du syndicat ultra-minoritaire France Police (environ 3 %), où officie Bruno Attal, provocateur adulé de la fachosphère et ex-candidat Reconquête aux législatives. Le tweet, supprimé depuis, félicitait les «collègues qui ont ouvert le feu sur un jeune criminel de 17 ans», et renvoyait la responsabilité du décès du jeune Nahel, qualifié de «voyou», à «ses parents, incapables d’éduquer leur fils». Pour rappel, les avocats de la famille de l’adolescent indiquent que son casier judiciaire était vierge.
⚖️#Nanterre @justice_gouv ces propos diffamatoires, faisant l'apologie d'un crime, ne tomberaient-ils pas sous le coup de la loi ? #JusticePourNael pic.twitter.com/XyNQSfT1yp
— Députée Obono (@Deputee_Obono) June 28, 2023