Deux ans après l’éclosion du scandale Orpea, leader mondial des Ehpad, un établissement pour personnes âgées d’un autre groupe privé est dans le viseur de la justice. Une enquête a été ouverte début décembre sur d’éventuels actes de maltraitance à l’égard de résidents dans un Ehpad du groupe privé DomusVi à Toulouse, a indiqué le parquet lundi 15 janvier. Elle vise notamment à établir s’il y a eu «maltraitance sur personne vulnérable» et fait suite à un signalement de l’Agence nationale de santé (ARS), a précisé le procureur de la République de Toulouse, Samuel Vuelta-Simon.
Parmi les documents à disposition des enquêteurs : une transcription d’enregistrements réalisés à l’insu des personnels et de la direction, entre le 27 juillet et le 3 octobre 2023 par la fille d’un résident de l’Ehpad l’Ecuyer, et révélés par Médiacités. Cette dernière explique avoir mis en place ce dispositif après «avoir alerté la direction à de nombreuses reprises, à l’oral comme à l’écrit, sur différents problèmes», précise le média d’investigation.
Injures
Dans ces enregistrements, on entend notamment une ou des employées injurier cet homme de 91 ans. Dans la nuit du 5 au 6 septembre, une employée s’est adressée à lui en ces termes : «Il a enlevé la culotte en plus. Le bâtard. Putain, espèce de bâtard va. Putain, il avait déjà commencé à faire pipi, ce connard !» Le 24 septembre, le même résident est à nouveau sermonné sans ménagement par une employée : «Pierre, on s’habille ! Allez… Tu me fais pas chier là, hein. En plus, t’as de la merde partout, là, dans les mains et… tu me touches avec ça. Allez ! L’autre bras. L’autre main. Et là, si tu te déshabilles, je viens plus.»
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La fille du vieil homme a déposé une première plainte en septembre 2020 pour «manque de soins ayant entraîné une dégradation de la santé». En cause, selon Médiacités : «la prescription de psychotrope à son père contre son consentement à elle». La plainte a été classée sans suite. Le 23 janvier 2023, elle envoie une lettre recommandée au directeur de l’établissement avec d’autres familles de résidents, dans laquelle ils s’interrogent notamment «sur la perte de poids de leurs proches ou encore sur la communication jugé “impossibles” avec les soignants», expliquent nos confrères.
Après avoir récupéré les enregistrements audio, la même fille de résident a déposé une deuxième plainte début octobre 2023 auprès du procureur de la République de Toulouse. Contactée par Médiacités, la directrice de l’Ehpad, Valérie Berud, a assuré n’avoir «connaissance d’aucun propos de ce type, enregistré ou pas». «Les faits rapportés sont extrêmement graves, choquants et nécessiteraient des actions immédiates et intransigeantes s’ils étaient avérés», écrit‐elle avant d’annoncer le lancement d’une enquête interne «pour tenter d’en savoir plus.» «Sachez que si nous avons la suspicion que de tels propos sont tenus, nous sommes intransigeants pour préserver la sécurité des résidents», ajoute-t-elle.
Après la parution, en janvier 2022, du livre enquête Les fossoyeurs, qui avait jeté une lumière crue sur les résidences pour seniors, en particulier sur celles d’Orpea, d’autres groupes privés ont été accusés de manquement par des familles, comme Emera, en décembre. Concernant Orpea, soupçonné de maltraitance institutionnelle, le parquet de Nanterre a indiqué le 8 janvier avoir ouvert une information judiciaire contre X pour «homicide involontaire, blessures involontaires, non-assistance à personne en danger et mise en danger de la vie d’autrui.