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Libération
Edito

Eric Dupond-Moretti devant la CJR: on est loin de la «République exemplaire»

Le renvoi du garde des Sceaux devant l’institution, situation inédite, révèle une fois encore l’immense défiance et les graves tensions entre l’exécutif et la justice.
France's Justice Minister Eric Dupond-Moretti gestures as he holds a press conference to present the 2023 Finance bill in Paris on September 27, 2022. (Photo by STEPHANE DE SAKUTIN / AFP) (Stephane de Sakutin/AFP)
publié le 4 octobre 2022 à 4h44

Pas de surprise, mais toujours une forme d’incompréhension et même de l’inquiétude. Le renvoi d’Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, devant la Cour de justice de la République (CJR) pour «prise illégale d’intérêts» était attendu. Son pourvoi en cassation l’était tout autant. Comme la confirmation du côté de l’Elysée que la jurisprudence qui a longtemps voulu qu’un ministre mis en examen quitte ses fonctions appartient bel et bien au passé.

Pas de surprises, donc, mais à l’arrivée une situation inédite : jamais un ministre de la Justice n’avait fait l’objet d’un renvoi devant la CJR. Avouez que c’est plus que baroque, et assez peu en phase avec le concept de sérénité qu’on accole normalement à l’idée de justice et à ceux qui la représentent. C’est d’ailleurs le vrai problème de cette histoire et l’objet de l’inquiétude de beaucoup. Le niveau de tensions et de défiance entre les magistrats, leur ministre et le pouvoir exécutif n’a jamais atteint un tel niveau. C’est tellement vrai que le précédent sarkozyste et les magistrats «petits pois» relève presque de la comptine pour bisounours… Faut-il rappeler que deux des plus hautes figures de la magistrature française ne se sont pas rendues à la cérémonie d’investiture d’Emmanuel Macron après sa réélection ? Bonjour l’ambiance…

La ligne de défense d’Eric Dupond-Moretti et de l’Elysée ne devrait pas améliorer les choses. Elle consiste en gros à accuser les magistrats indépendants qui ont statué à plusieurs reprises dans cette affaire d’être aux ordres des syndicats. Ce niveau de tensions est grave, tant on imagine mal que celles-ci ne ruissellent pas à tous les étages de la machine judiciaire. D’où vient cette défiance chez Emmanuel Macron, qui remonte à bien avant l’affaire Dupond-Moretti ? Mystère. Il était en tout cas arrivé à l’Elysée en 2017 auréolé de ses discours de campagne sur la «République exemplaire». Elle a laissé place à une République de la défiance dont personne n’a à se réjouir.