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Interview

Esclavage moderne en France : «Ce sont des situations qu’on ne voit pas, qu’il est très difficile de détecter»

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Présidente du Comité contre l’esclavage moderne, Franceline Lepany détaille les obstacles dans l’identification des cas de traite des êtres humains et dans les enquêtes visant les employeurs incriminés.
Couloir de chambres de bonnes à Paris, le 4 octobre. «Le plus souvent, la victime d’exploitation par le travail est invisible, soit parce qu’elle est tenue à l’abri des regards, soit parce qu’elle vit dans une apparence de normalité», explique Franceline Lepany. (Aline Deschamps/Libération)
publié le 18 octobre 2024 à 9h03

Petit à petit, elles sortent de l’ombre. Mais se heurtent, encore aujourd’hui, à un parcours judiciaire semé d’embûches pour obtenir réparation. Le nombre de victimes de traite et d’exploitation des êtres humains enregistré en France a augmenté de 6 % entre 2022 et 2023, selon deux services du ministère de l’Intérieur. Alors que Libération publie une série d’enquêtes sur des femmes esclaves de diplomates d’ambassades parisiennes, la présidente du Comité contre l’esclavage moderne (CCEM), Franceline Lepany, explique à Libération le cadre juridique de la traite des êtres humains et ses limites.

De quoi la traite des êtres humains est-elle le nom ?

Il faut comprendre la distinction : l’esclavage moderne est une réalité sociale, économique, culturelle. Un phénomène de société. La traite des êtres humains, c’est l’infraction pénale qui lui correspond. A la fin des années 90, une prise de conscience a commencé à émerger au niveau national et international, sur la mondialisation, et surtout sur les liens entre notre économie avec des pays qui n’avaient pas les mêmes standards en matière de travail. C’est dans ce contexte que le protocole de Palerme entre en vigueur, en 2003 [trois ans après son adoption par l’Assemblée générale des Nations unies, ndlr]. Il définit pour la première fois «la traite des personnes». Ainsi, la traite compile trois choses : une action (le recrutement