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Justice

Fresque représentant Macron en marionnette d’Attali : soupçonné d’antisémitisme, l’auteur relaxé par le tribunal d’Avignon

Le tribunal correctionnel d’Avignon a relaxé ce jeudi 23 novembre le graffeur Lekto, qui avait représenté en 2022 l’économiste Jacques Attali en marionnettiste manipulant un président Emmanuel Macron-Pinocchio. L’instance estime que rien ne prouve avec une «absolue certitude» son caractère antisémite.
La fresque réalisé par Lekto à Avignon, publiée sur son compte Instagram, le 23 juin 2022 . (Capture d'écran instagram /Lekto)
publié le 23 novembre 2023 à 12h57

Sa fresque, figurant Emmanuel Macron en marionnette d’un Jacques Attali ganté de blanc, avait fait grand bruit il y a un an. Le tribunal correctionnel d’Avignon a relaxé ce jeudi 23 novembre le graffeur Lekto, rien ne prouvant avec une «absolue certitude» son caractère antisémite. Cet artiste de 32 ans avait réalisé en juin 2022 cette peinture murale sur un transformateur électrique en entrée de ville. Représentant Jacques Attali, qui est juif, en un Geppetto au regard inquiétant manipulant telle une marionnette un Emmanuel Macron caricaturé en Pinocchio, la peinture reprenait l’iconographie antisémite de l’entre-deux-guerres, selon plusieurs associations antiracistes.

Alors que la fresque a été effacée 72 heures après sa réalisation, à l’initiative de la préfecture, son auteur a ensuite fait l’objet de poursuites à l’initiative du parquet et sur citation directe de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). Il devait répondre d’«injure publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion» et de «provocation à la discrimination en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion».

Lors de l’audience, le 14 septembre, il avait expliqué aimer «tourner en dérision ceux qui ont du pouvoir» et nié toute intention antisémite, affirmant avoir ignoré que Jacques Attali était juif. Il avait aussi expliqué s’être inspiré pour son dessin de propos tenus par Jacques Attali lui-même, qui avait affirmé en 2017 avoir joué un rôle clé dans le décollage de la carrière politique d’Emmanuel Macron.

SOS Racisme espère un appel du parquet

Le tribunal l’a relaxé sur toute la ligne, alors que le parquet avait requis contre lui 6 000 euros d’amende, dont 2 000 avec sursis. Présent à l’audience, il a quitté le palais de justice sans faire de déclaration. Relevant notamment que le portrait de Jacques Attali ne reprenait pas les traits caricaturaux habituels de la propagande antisémite, le tribunal a estimé qu’«aucun élément […] ne permet d’affirmer avec une absolue certitude que l’utilisation (par le prévenu) d’une image de marionnette à fil, dont l’usage dépasse largement la seule utilisation à des fins racistes, ait été conduite par un sentiment antisémite». Dans sa motivation, le juge affirme également que la fresque «ne contenait aucun appel ou une exhortation, même implicitement formulé, à la discrimination, à la haine ou à la violence» et qu’elle ne constituait en outre pas non plus une «injure publique» au sens de la loi.

L’avocat de SOS Racisme, l’une des associations s’étant portée partie civile, Paul-Roger Gontard, a regretté que le tribunal n’ait pas regardé «comme un ensemble» les éléments iconographiques. «Or, tout l’objet du débat était précisément dans l’accumulation de symboles à caractère insidieusement antisémite, insidieusement raciste», a-t-il estimé, en espérant que le parquet fera appel du jugement.

En avril, une autre fresque du même artiste représentant Emmanuel Macron, sous des traits rappelant le leader nazi Adolf Hitler avec le nombre «49.3» inscrit en guise de moustache, en référence à l’article de la Constitution utilisé pour faire passer la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, avait également créé la polémique avant d’être elle aussi rapidement effacée.