Autant qu’elle s’en souvienne, c’est sa seconde fille, Chloé (1), qui a su nommer ce qu’elles éprouvaient. Elles étaient dans leur chambre d’hôtel, la veille de leur déposition au premier procès de l’assassinat de Samuel Paty, celui des collégiens ayant aidé son bourreau, Abdoullakh Anzorov, à l’identifier avant de l’exécuter. Ce soir-là, Chloé et sa mère, Gaëlle, l’une des deux sœurs du professeur d’histoire-géo, ont beaucoup pleuré. Puis la jeune fille a eu cette idée : son oncle est devenu un éléphant imposant, planant dans toutes les pièces où elles entrent. Autrefois discret, parfois distant, reclus dans les livres et les idées, Samuel n’a jamais été aussi envahissant, pachyderme fantomatique à qui il faut trouver la juste place.
Quatre ans après l’attentat perpétré au collège du Bois-d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, Gaëlle Paty a accepté de recevoir Libération, pour parler de ce frère dont la famille se sent si souvent dépossédée : Samuel, le «hussard de la République», le «héraut de la liberté d’expression», «la vigie». Samuel, dont le visage est