Il compte parmi les plus anciens détenus du pays. Incarcéré depuis 1984, soit plus de quatre décennies passées derrière les barreaux, Georges Ibrahim Abdallah va rester encore prison. Au moins jusqu’au 19 juin : la cour d’appel de Paris qui devait se prononcer ce jeudi 20 février pour ou contre la libération de ce militant libanais propalestinien, condamné dans les années 80 pour complicité d’assassinats de diplomates américain et israélien en France, a ajourné sa décision à cette date. Selon son avocat, Me Jean-Louis Chalanset, la cour a reporté sa décision afin que le condamné puisse justifier de l’indemnisation des parties civiles, ce à quoi il s’est toujours refusé.
A 73 ans, celui qui était à l’époque l’un des plus célèbres prisonniers de France, était libérable depuis vingt-cinq ans, mais avait vu sa dizaine de demandes de libération conditionnelle échouer. Le 15 novembre, le tribunal d’application des peines antiterroriste lui avait donné une lueur d’espoir en ordonnant sa remise en liberté avec expulsion immédiate au Liban – qui le réclame.
Georges Abdallah est le «dernier vestige du groupuscule d’obédience laïque, marxiste, communiste des Farl» (Fractions armées révolutionnaires libanaises qu’il avait cofondées), appartenant à «l’histoire aujourd’hui révolue de l’activisme violent de l’ultragauche» libanaise et palestinienne. Les Farl ne sont «à l’origine d’aucun attentat en France ni ailleurs depuis 1984», notait le tribunal dans sa décision.
Ennemi public numéro 1
Le Parquet national antiterroriste (Pnat) n’avait pas été du même avis et avait fait appel, suspendant aussitôt la décision. L’affaire avait été réexaminée par la cour d’appel de Paris le 19 décembre en audience non publique. Le Pnat avait justifié son refus en expliquant qu’il n’avait «pas évolué», que ses convictions étaient «restées intactes». Georges Abdallah, qui n’a jamais accepté d’indemniser les parties civiles, a toujours nié être lié aux assassinats des deux diplomates à Paris en 1982 et n’a pas condamné ce qu’il a qualifié d’«actes de résistance» contre «l’oppression israélienne et américaine» en pleine guerre civile libanaise.
Il «représente un symbole, voire un visage tutélaire de la cause palestinienne», s’était aussi inquiété le Pnat. «Il représente surtout aujourd’hui le symbole d’un homme maintenu en détention depuis désormais plus de quarante ans, soit une période devenue disproportionnée au regard des faits commis et de sa dangerosité actuelle», avait rétorqué le tribunal dans sa décision.
A son procès en 1987, Georges Abdallah avait comparu sous la lourde étiquette d’ennemi public numéro 1 en France, étant à l’époque soupçonné d’être derrière une vague d’attentats meurtriers à Paris – en réalité le fait de militants pro-iraniens. Il est aujourd’hui largement oublié, sauf de son petit comité de soutien, de quelques parlementaires de gauche ou de personnalités, comme la Prix Nobel de littérature Annie Ernaux.
La semaine dernière, il a reçu la visite en prison des députés LFI Eric Coquerel et Sylvie Ferrer, venus réclamer que cesse «le scandale d’Etat» que représente la durée de sa détention, a dit le premier sur place aux journalistes. «C’est une honte pour l’Etat français.»